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même été réellement expédiée à M. Martinet ? Une incertitude subsiste à cet égard, le texte manuscrit, signé, que la Bibliothèque de Neuchâtel en possède, pouvant être aussi bien une copie autographe, conservée par son auteur, qu’un original dont il a ajourné l’envoi. Je pencherais volontiers pour la seconde alternative, vu le manque de date : Jean-Jacques se sera réservé d’en mettre une le jour où, dans une forte crise de souffrances, il se déciderait à accomplir son dessein, et ce jour n’est pas venu. — Si, au contraire, le dépôt a réellement eu lieu, on doit alors admettre qu’au moment de quitter le Val-de-Travers Rousseau aura demandé au châtelain la restitution de son testament[1].

Il l’avait en effet à Wootton et, le 27 mai 1766. il le confia[2] lui-même à son hôte, en accompagnant le pli d’une déclaration ainsi conçue :

« Comme je suis sujet à des attaques d’une maladie qui peut m’emporter brusquement, lorsque j’y penserai le moins, je demande à Monsieur Davenport de vouloir bien être le dépositaire de mon testament, que j’ai fait il y a trois ans, en attendant que j’aye le loisir d’en faire un autre. Je lui demande aussi, au cas que je vinsse à mourir, s’il voudroit bien être le protecteur de Mlle Le Vasseur, ma gouvernante, et prendre tous les soins nécessaires pour la renvoyer en France avec tous ses effets. Si Monsieur Davenport veut bien se charger de cette bonne œuvre, je lui en serai très obligé, et je n’aurai plus d’inquiétude sur le sort de cette pauvre fille, qui seroit fort embarrassée et fort malheureuse, si elle venoit à me perdre dans un pays étranger, où elle ne connoît personne et dont elle ne sait pas la langue. »

Une autre note[3] montre que le pli fut ouvert le 8 juin 1771.

  1. Une allusion à cette pièce se rencontre encore dans la lettre du 8 août 1765, relative au pasteur de Montmollin et rédigée pour être insérée dans le second opuscule de Du Peyrou : « M. de Montmollin, » dit Jean-Jacques, « vouloit savoir toutes mes affaires, connoître tous mes correspondans, diriger, recevoir mon testament, gouverner mon petit ménage : voilà ce que je n’ai point souffert. » (Œuvres, t. XI. p. 266.)
  2. « The will of Mr Rousseau given into my hands by himself Munday 27th of May 1766. Richd Davenport. »
  3. « Opened June 8th 1771 by Mr Mainwaring and sir Wm Bagot, and sealed again immediatly. »