Page:Dugas - Salve alma parens, 1941.djvu/9

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de minuit égrenait sa chanson divine. À l’ombre de tes tilleuls, ma jeunesse épia les proies du bonheur ! J’ai couru dans tes chemins, hanté ton église où mon âme, priante, se mêlait à l’encens et aux grondements des orgues. J’ai tout aimé de toi : terre, ciel, bois, moissons et les sapins neigeux qui tendaient leurs branches dans l’hiver inexorable. Et ces veillées pleines de rires, d’histoires et de tabac. Comme ils fument ton tabac avec délices, les gars, les grands gars de chez nous ! Richesse âcre ou mielleuse, suc de cannelle ou relents d’enfer emportant bouches et gosiers.

Petite patrie dorée par la lumière ou battue des grands vents, de la neige et de la pluie, ton image tremble en moi comme une gestation, un amour indicible. J’ai le désir de vous, grands ormes berceurs où mon enfance a ri à la lumière et, dans ma vieillesse solitaire, je tends vers votre ombre mes mains suppliantes.

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