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Les petites filles s’appellent le plus souvent, et gentiment, Marguerite, Françoise, Antoinette, Geneviève, Josette, Marie, Madeleine, Jeanne, Catherine ou Angélique. Et les garçons, de préférence Pierre, François, Joseph, Jean-Baptiste, Louis, Étienne, Jacques, Modeste, Charles et Michel. Sous le régime anglais fourmillent les noms tirés de l’Ancien-Testament : Moïse, Esdras, Isaac, Isaïe, Abraham, Elzéar, Jérémie, Benjamin, Samuel. Puis, des noms anglais : William, Johnny, Arthur, Freddie ; et les terminaisons fantaisistes : Louison, José, Charlon, Charlette, Tiquienne, Quiennon, Belone, Exor-Noré-Elzéar, fils d’Honoré.

Les sépultures d’enfants pullulent : les petits naissent nombreux, mais ils meurent drus comme des mouches. Il y en a bien le tiers qui ne vivent pas dix ans. Mais les survivants sont des gaillards !

Le manque de médecins, la science trop courte des sages-femmes qui les remplacent, les travaux harassants de nos grand’ mères, la longueur démesurée de nos hivernements, la grossièreté de la nourriture, l’absence d’aération des minuscules cabanes, avaient de quoi faire mourir les plus robustes. L’hygiène est une science nouvelle, le soin des corps n’est pas érigé en idolâtrie chez nos ancêtres, les bains se prenaient à la grande eau, ou à la pluie, et l’on néglige de se vêtir de linge sec quand on s’est trempé de sueur, d’orage ou de neige fondante. Le canotage obligatoire occasionne bien des noyades. Ajoutons à ces pertes de nos recrues les trouées causées par d’incessantes expéditions guerrières ou commerciales, les groupes de colons transplantés au Détroit et ailleurs, et l’on s’explique le ralenti de la conquête agricole durant les cent-cinquante années de domination française.