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augmenter la production agricole pour diminuer le coût de la vie, nourrir les pays en guerre et prévenir une famine universelle. Il y a deux manières de produire davantage : la culture intensive de nos terres défrichées, la culture étendue à de nouvelles terres par la colonisation, dans l’Ouest et même dans notre Abitibi, où l’on peut semer dès le premier printemps, et où certain colon de troisième ou quatrième année récoltait déjà l’an dernier mille boisseaux de céréales. Comme nos gens aiment fort peu à s’éreinter sur des arpents de sarclages, et encore moins à devenir garçons de ferme sans espoir de délivrance, il faut les mettre à même de devenir propriétaires, d’établir des familles, de multiplier les producteurs plutôt que les consommateurs. Ce second argument aura toujours plus de force, surtout après la guerre.

Qu’on ne prétende pas, en effet, que cette vogue de l’agriculture tombera, une fois la guerre finie. Au motif de production s’ajoutera alors celui de la réorganisation du travail, de la remise en place du rouage social détraqué par les toutes spéciales besognes actuelles. C’est alors qu’on en verra de rudes : quand on remerciera les centaines de mille ouvriers des munitions ; quand on rapatriera les centaines de mille soldats qui voudront reprendre leurs anciennes places dans les villes ; quand on distribuera le travail assis des postes, douanes, bureaux et banques aux milliers d’amputés que le gouvernement ne suffira pas à combler de pensions ; quand l’or étranger n’arrivera plus chez nous sous forme de commandes de guerre, c’est alors qu’éclatera dans les villes une crise dont le krach de 1913-14 n’aura été qu’un faible avant-goût, c’est alors que vont pulluler les sans-travail, les chercheurs d’emploi, les miséreux et les vagabonds.

L’Angleterre licenciera, au lendemain de la paix, six à huit millions d’hommes et de femmes, qu’on cherchera