Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/131

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vu tourner la tête au bruit d’une explosion qui défonçait le champ voisin, m’expliqua tranquillement que « ces machins-là n’étaient pas dangereux ».

Une nuit, je vis accourir un gendarme au visage ensanglanté.

Il agitait une lanterne qui lui servait à régler la circulation des voitures et il s’obstinait à répéter candidement que l’ennemi avait repéré son quinquet et l’avait couvert de mitraille. En fait, il n’avait que de menues écorchures. Il partit, lavé, pansé, mais pour nous revenir le surlendemain, tué, cette fois, d’un gros éclat de fonte qui avait pénétré par l’œil.

Il y avait une salle des entrées, où se faisait le triage. Dix fois par jour, on pensait l’avoir vidée, avoir épuisé ce réservoir de misère ; mais on la retrouvait, chaque fois, pleine à nouveau, et comme pavée de brancards boueux sur lesquels des hommes soufflaient et attendaient.

À cette antichambre faisait face une salle d’évacuation, elle paraissait moins lugubre que l’autre, encore qu’elle fût aussi nue et non plus claire ; mais les blessés y étaient propres, opérés, pansés de blanc, réconfortés de boissons chaudes, et de