Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/133

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bref regard que je lançai au dehors, et des cris et de la fuite à toutes jambes des hommes sous les fenêtres.

Un matin, je vis un avion, qui croisait au-dessus des coteaux de Meuse, traîner tout à coup derrière lui, comme une comète, une épaisse chevelure de fumée noire, puis descendre à pic avec une belle flamme claire, éclatante malgré le soleil. Et je songeais aux deux hommes qui vivaient cette chute.

La situation militaire s’améliorait de jour en jour, mais la bataille ne cessait pas d’être rude. Les « calibres » employés par l’ennemi pour la destruction des hommes créaient des plaies effroyables, assurément plus cruelles, dans l’ensemble, que celles dont nous avions eu le spectacle pendant les vingt premiers mois d’une guerre sans pitié dès sa conception. Tous les médecins ont pu remarquer l’atroce succès remporté, en si peu de temps, par le perfectionnement des engins de dilacération. Et nous admirions amèrement que l’homme pût aventurer son fragile organisme à travers les déflagrations d’une chimie à peine disciplinée, qui atteint et dépasse en brutalité les puissances aveugles de la nature. Nous admirions surtout qu’une chair aussi