Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/135

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reux s’en excusaient, comme si cette infection leur eût été imputable…

Dans de tels moments, les patients se succédaient si vite que nous ne connaissions d’eux que la blessure : l’homme repartait, encore plongé dans le sommeil ; nous avions pris pour lui toutes décisions sans, pour ainsi dire, avoir entendu sa voix ni considéré son visage.

On évitait l’encombrement en évacuant d’urgence tous les opérés soustraits aux menaces de complications. On en chargeait les automobiles qui se succédaient sans arrêt à la porte. Certaines revenaient, quelques instants plus tard, criblées d’éclats ; le conducteur n’avait pas eu la chance de passer entre les obus, et il était souvent blessé lui-même. Il arrivait pareillement aux brancardiers circulant sur la route d’être atteints à leur tour et ramenés sur leur propre brouette.

Un soir on donna « l’alerte de gaz ». Des bouffées de vent arrivaient, entraînant une âcre odeur. Tous les blessés reçurent, par précaution, le masque et les lunettes. On pendit ces objets à la tête du lit des agonisants… et l’on attendit. La vague, heureusement, ne vint pas complètement jusqu’à nous.