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LE SACRIFICE


Nous avions fait ouvrir toutes les fenêtres. De leurs lits, les blessés pouvaient apercevoir, à travers les ondes dansantes de la chaleur, les hauteurs de Berru et de Nogent-l’Abbesse, les tours de la cathédrale, assise encore comme un lion agonisant au milieu de la plaine de Reims, et les lignes crayeuses des tranchées, hachant le paysage.

On sentait peser une sorte de torpeur sur le champ de bataille. Parfois, une colonne de fumée s’élevait, toute droite, dans ce lointain immobile, et la détonation nous parvenait un peu après, comme égarée, honteuse d’outrager le radieux silence.

C’était une des belles journées de l’été de 1915, une de ces journées où l’indifférence souveraine de la nature fait plus cruellement sentir le fardeau de la guerre, où la beauté du ciel désavoue l’angoisse des cœurs.