Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/206

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On y a d’abord mis Madelan. Il délirait d’une manière si brutale, si inquiétante malgré l’immobilité paralytique de ses longs membres, que ses compagnons ont supplié qu’on les en débarrassât. Je crois que Madelan n’a ni compris, ni même perçu cet isolement, car il était déjà la proie d’une plus grande solitude ; mais son perpétuel discours, ainsi privé d’auditeurs, a pris un caractère insolite et terrible.

Pendant quatre jours et quatre nuits, il n’a cessé de parler, avec véhémence ; et, à l’entendre, on pensait que toute la vigueur de son grand corps déjà mort s’était réfugiée, exaltée dans sa gorge. Pendant quatre nuits je l’ai entendu vociférer des choses insaisissables, décousues et qui semblaient des réponses à un mystérieux interlocuteur.

Dès l’aube, et d’heure en heure au long de la journée, je venais le voir, et il gisait au ras du sol, sur la paillasse, comme un animal roux, abattu, les membres épars, agités de secousses qui chassaient sa couverture salie.

Il maigrissait avec une rapidité si invraisemblable qu’on eût cru le voir se dégonfler par la profonde plaie qu’il portait à la nuque.