Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/212

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fenêtres d’un poing furieux. La salle est faiblement éclairée par une bougie qui a la danse de Saint-Guy. Notre petit infirmier, Rousselot, tricote activement sous l’œil du lumignon. Je fume une pipe acre et douce comme cette minute même au milieu de l’infernale aventure.

Avant de m’en aller, je songe à Croquelet, le silencieux, dont je vois la longue silhouette au fond de la pièce. « Il dort tout le temps, me dit Mulet, il dort toute la journée… » Je m’approche du brancard, je me penche, et je vois deux grands yeux ouverts, qui me regardent fixement, gravement, dans l’obscurité. Et ce regard est si triste, si profond, que je me sens plein d’une impuissante détresse.

— Tu dors trop, mon pauvre Croquelet !

Il me répond, avec son accent noueux, mais d’une voix faible :

— Ne l’écoutez pas ; ce n’est pas vrai. Vous savez bien que je ne peux pas dormir, même que vous ne voulez pas me donner une potion pour faire un vrai somme. Cet après-midi, j’ai lu un peu… Mais ce n’est pas bien intéressant… Si je pouvais avoir autre chose.