Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/226

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vement navrés ; et c’est ici même qu’il leur faut attendre la décision suprême du sort.

Le petit Rochet s’est réveillé dans une réalité pleine de ténèbres et de désespoir. Il n’a entendu autour de lui que des haleines oppressées, et, plus fort qu’elles toutes, le souffle véhément du ciel. Il a perçu d’un seul coup toutes les douleurs de son ventre ruiné, de sa jambe perdue, et, cette odeur qu’il y avait dans l’air, il s’est rappelé que c’était l’odeur de sa chair. Et il a pensé à la tendre lettre reçue ce matin des quatre grandes sœurs aux bandeaux luisants, et il a pensé à tout un bonheur flétri, perdu…

Renaud accourt, les mains tendues, dans la nuit pleine d’embûches du corridor.

— Venez, venez vite ! Le petit Rochet s’est jeté à bas de son lit…

Le bougeoir haut levé, je constate la triste scène. Il faut replacer Rochet sur la couchette, refermer le pansement, éponger les liquides fétides épandus sur le plancher.

Rochet presse fortement les lèvres. Je me place tout près de son oreille et dis :

— Pourquoi as-tu fait cela ?

Sa figure reste immobile, et il me répond dou-