Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/66

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n’avons pas besoin des mots. Depuis longtemps, certains sourires nous suffisent. Et Mathouillet sourit, non pas seulement avec ses yeux, ou avec sa bouche, mais avec son nez, avec son menton sans barbe, avec son grand front uni, bordé des cheveux pâles du Nord, avec tout son tendre visage d’enfant mâle.

— Maintenant que Mathouillet se lève, il mange à table, avec les camarades. Pour l’appeler à table, Baraffe pousse un cri aigu, qui émeut l’oreille du bombardier-grenadier.

Il arrive, traînant ses espadrilles, et il examine toutes les figures qui rient. Comme il n’entend guère, il hésite à s’asseoir, et son sourire, cette fois, trahit de l’embarras, de la confusion.

De très près, je dis à voix haute :

— Tes camarades t’appellent à table, petit gars !

— Oui ! oui ! répond-il ; seulement parce qu’ils savent que je suis sourd, ils essayent, des fois, de me bourrer le mou…

Ses joues s’enflamment d’une vive rougeur, à cause de cette confidence imprévue. Puis il se décide à s’asseoir, non sans m’avoir interrogé de son plus affectueux sourire.