Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/73

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Ils étaient là cinquante au moins à regarder, avec des yeux ravis, les murs, les bancs, le téléphone, tous les modestes objets de cette salle d’attente, tous ces objets qui, sous la lumière de France, sont tellement plus beaux que dans le féroce exil.

La salle d’attente semblait transformée en un musée de la misère : des aveugles, des amputés, des paralytiques, des visages ravagés par le fer et la poudre.

Un gros garçon disait, en levant avec effort son bras déformé :

— Je les ai roulés : ils ont cru jusqu’au bout que j’étais vraiment paralysé. J’ai bonne mine, mais c’est qu’ils nous ont envoyés huit jours à Constance, pour nous faire la cerise…

Un type sec et noiraud marchait de long en large, en remorquant son pied inerte à l’aide d’une ficelle qui courait le long de son pantalon ; et il riait :

Je marche core plus avec mon poignet qu’avec mon arpion. Messieurs, messieurs qui veut tirer la ficelle à polichinelle ?

Tous portaient un habillement baroque, fait de nippes militaires et de bardes civiles rapiécées.