Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/88

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sombraient là dans un désespoir que rien ne semblait plus devoir adoucir.

Figuet se mit donc à se plaindre, et tout le monde, dans la salle, fit semblant de s’appliquer à la besogne et de ne rien entendre, parce que, quand un tel homme gémissait, on avait l’impression que c’était la fin de tout.

Bouchentou tourna la tête, vit l’adjudant, saisit soigneusement, de sa main droite, son bras mollusque et se mit en route. À petits pas, il vint jusqu’à la table où l’homme souffrait.

Tendant le cou, sa grande carcasse voûtée toute contractée d’attention, il regardait les plaies, le pus, les linges souillés, le visage tranchant de maigreur, et sa figure de bois bis exprimait laborieusement toutes sortes de sentiments.

Alors Bouchentou fit une chose toute simple : il abandonna le bras désossé, tendit à Figuet sa main droite, saisit les phalanges transparentes et les serra.

L’adjudant cessa de se plaindre. Tant que dura cette étreinte silencieuse, il cessa de se plaindre et peut-être de souffrir. Bouchentou laissa là sa main droite aussi longtemps qu’il fallut.