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Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/14

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est le seul objet en vue duquel ils aient combiné leurs hypothèses ; lorsque Calippe a modifié en quelques points la combinaison de sphères homocentriques qu’Eudoxe avait agencée, c’est uniquement parce que les hypothèses de son prédécesseur ne s’accordaient pas avec certains phénomènes, et qu’il a voulu que ces phénomènes fussent sauvés à leur tour.

Si l’astronome doit se déclarer pleinement satisfait lorsque les hypothèses qu’il a combinées ont sauvé les apparences, l’esprit humain n’est-il pas en droit d’exiger autre chose ? Ne peut-il découvrir et analyser quelques caractères de la nature des corps célestes ? Ces caractères ne peuvent-ils lui servir à marquer certains types auxquels les hypothèses astronomiques devront nécessairement se conformer ? Ne devra-t-on pas, dès lors, déclarer irrecevable une combinaison de mouvements qui ne pourrait s’ajuster à aucun de ces types, lors même que cette combinaison sauverait les apparences ?

À côté de la méthode de l’astronome, si nettement définie par Platon, Aristote admet l’existence et la légitimité d’une telle méthode ; il la nomme la méthode du physicien.

Lorsqu’il compare en sa Physique[1], la méthode du mathématicien et la méthode du physicien, le Stagirite pose certains principes qui s’appliquent, assurément, à la question dont nous venons de parler, mais qui ne permettent pas d’en pousser fort loin l’analyse. Il remarque que le géomètre et le physicien considèrent souvent le même objet, qu’ils étudient la même figure ou le même mouvement, mais qu’ils le considèrent à des points de vue différents. Cette figure, ce mouvement, le géomètre les contemple en eux-mêmes et d’une manière abstraite ; le physicien, au contraire, les étudie comme la limite de tel corps, le mouvement de tel mobile.

Ce trop vague enseignement ne nous permet pas de saisir pleinement la pensée d’Aristote touchant la méthode de

  1. Aristote, Φυσικῆς ὰκροάσεως τὸ Β, β. Physicae auscultationis, lib. II, cap. II.