Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/44

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« Mais la théorie dont nous parlons n’appartient à aucun de ces modes de démonstration ; en cette théorie, en effet, ce sont les principes qui sont cachés ; mais ces principes ne sont nullement nécessités par les effets connus ; les astronomes se contentent de poser ces principes, bien qu’ils les ignorent.

« Si vous considérez, d’ailleurs, les effets en vue desquels les astronomes posent ces principes, vous n’y trouverez rien d’où se puisse conclure, d’une manière essentielle et nécessaire, qu’il en est ainsi. Seulement les astronomes, ayant posé des principes qui leur sont inconnus et en ayant tiré des conséquences qui sont connues, ont admis la réciproque. »

Poser a priori des hypothèses mathématiques, en tirer des corollaires qui soient la représentation fidèle des faits observés, c’est, pour l’astronome disciple de Ptolémée, l’œuvre essentielle de celui qui compose une théorie ; il serait bien fou de penser que l’expérience, alors qu’elle s’accorde avec les résultats de ses déductions, en transforme les prémisses en vérités démontrées ; rien ne prouve, en effet, que des prémisses toutes différentes n’eussent pu conduire aux mêmes conclusions ; contre une telle erreur, Averroès a raison de le mettre en garde. Mais il ne commettra pas cette erreur, il ne tournera pas dans le cercle vicieux que lui reproche le Commentateur, s’il a perçu le but véritable assigné à l’Astronomie par Posidonius, par Ptolémée, par Proclus, par Simplicius ; aux hypothèses qui portent sa théorie, il ne demandera pas d’être vraies, d’être conformes à la nature des choses ; il lui suffira que les résultats du calcul s’accordent avec ceux de l’observation, que les apparences soient sauvées.

D’une semblable théorie astronomique, Averroès ne veut pas se contenter ; il exige que la Science des mouvements célestes tire ses principes des enseignements de la Physique, et de la seule Physique qui soit véritable à ses yeux, de celle d’Aristote :

« Il faut donc[1] que l’astronome construise un système

  1. Averroès, Metaphysica lib. XII, summa II, cap IV, comm. 45.