Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/28

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l’École suivante se refuse à prendre pour des réalités, qu’elle regarde simplement comme des mots désignant, sans les dévoiler, des réalités plus profondément cachées, qu’elle assimile, en un mot, aux qualités occultes créées avec tant de profusion par la Scolastique.

Que toutes les Écoles cosmologiques, autres que l’École péripatéticienne, se soient entendues pour reprocher à celle-ci l’arsenal de qualités qu’elle logeait dans la forme substantielle, arsenal qui s’enrichissait d’une qualité nouvelle chaque fois qu’il s’agissait d’expliquer un phénomène nouveau, il est à peine besoin de le rappeler. Mais la Physique péripatéticienne n’a pas été seule à essuyer de tels reproches.

Les attractions et les répulsions, exercées à distance, dont les newtoniens douent les éléments matériels, semblent aux atomistes et aux cartésiens une de ces explications purement verbales dont l’ancienne Scolastique était coutumière. Les Principes de Newton avaient à peine eu le temps de voir le jour qu’ils excitaient les sarcasmes du clan atomistique groupé autour de Huygens : « Pour ce qui est de la cause du reflus que donne M.  Newton, écrivait Huygens à Leibniz[1], je ne m’en contente nullement, ni de toutes ses autres théories, qu’il bastit sur son principe d’attraction, qui me paraît absurde. »

Si Descartes eût vécu à cette époque, il eût tenu un langage analogue à celui de Huygens ; le P. Mersenne, en effet, lui avait soumis un ouvrage de Roberval[2]

  1. Huygens à Leibniz, 18 novembre 1690. (Œuvres complètes de Huygens, t. IX, p. 528.)
  2. Aristarchi Samii : De mundi systemate, partibus et motibus ejusdem liber singularis ; Parisiis, 1643. — Cet ouvrage fut reproduit, en 1647, dans le volume III des Cogitata physico-mathematica de Mersenne.