degré de réalité de leurs objets, la Physique, considérée comme
connaissance du τὸ ὅτι, revendiquera le premier rang.
Tout ce qu’Aristote a dit de la Physique, du but qu’elle s’efforce d’atteindre, de la méthode par laquelle elle y tend, des rapports qu’elle a avec la Mathématique est une réhabilitation de cette perception sensible, que Platon tenait en si profond mépris. Platon ne concevait qu’une Physique mathématique ou mieux, il n’imaginait pas qu’il pût y avoir une Science physique distincte de la Mathématique. Aristote veut que la Physique soit une science d’observation ; alors même qu’elle utilisera les raisonnements du mathématicien, elle partira de la perception sensible qui lui fournira ses principes, et elle aboutira à la perception sensible à laquelle ses conclusions devront se conformer : la perception sensible sera, pour elle, la source de la certitude et le criterium de la vérité.
Mais cette Physique, née de la perception sensible et destinée à produire des conséquences conformes à la perception sensible, comment pourrait-elle être une science, une connaissance de réel, si la perception sensible ne saisit que le changeant, et si ce qui change est privé de réalité ? Que le changement puisse être une réalité, et non une méprisable apparence, c’est ce qu’Aristote doit encore établir à l’encontre de Platon[1]
Être ou ne pas être, tel est, semble-t-il, le dilemme le plus rigoureux que l’on puisse concevoir ; entre les deux branches de ce dilemme, il n’y a pas de moyen-terme. Un corps est blanc ou il n’est pas blanc ; entre l’affirmation et la négation, entre la blancheur et le néant de blancheur, il faut choisir sans rémission.
Entre ces deux oppositions, l’être et le non-être, où trouver place pour le devenir, pour le changement ? Si un corps est blanc, il ne peut pas devenir blanc. S’il n’est pas blanc, il est noir, rouge, bleu ou de quelque autre couleur ; mais un corps qui est noir, rouge ou bleu n’est pas un corps qui devient blanc.
Ainsi donc, ce dilemme nécessaire, être ou ne pas être, exclut
- ↑ Sur les problèmes que la possibilité du changement posait à la philosophie grecque, voir ; Albert Rivaud, Le problème du devenir et la notion de la Matière dans la Philosophie grecque depuis les origines jusqu’à Théophraste ; thèse de Paris, 1905.