que la pensée hellénique a produites ; il ne nous semble pas
qu’elle soit une des plus méprisables. Avec une grande netteté,
elle a su distinguer entre les réalités permanentes qui subsistent,
et les réalités fluentes, comme le temps et le mouvement, qui sont
en perpétuel devenir ; elle a reconnu la nécessité où se trouve notre
intelligence de ne concevoir les choses que sous forme d’idées
fixées, partant, l’incapacité où elle est de saisir les réalités fluentes
à moins de les morceler et de figer chaque fragment,
ce qui en fait disparaître l’essentiel écoulement. Au xive siècle
d’abord, à notre époque ensuite, cette pensée se trouvera reprise
par les philosophes désireux d’éclaircir les notions de temps et de
mouvement. Au xive siècle, Duns Scot commencera à ramener
l’attention de ses contemporains sur le temps et le mouvement
considérés comme des formes fluentes, et sous la plume d’un de
ses plus brillants disciples, de Jean de Bassols, nous retrouverons
des pensées toutes semblables à celles de Damascius. D’autre
part, quelques-unes des pages écrites par le maître de Simplicius
ne surprendraient aucunement si on les rencontrait dans quelque
livre de M. Bergson.
Damascius avait eu quelque peine à convaincre Simplicius de l’existence d’un temps premier et substantiel, exempt de l’écoulement, du perpétuel devenir qui caractérise le temps propre aux choses d’ici-bas. Nous allons rencontrer, cependant, un autre adepte de cette doctrine.
Nous avons vu que Plotin et Porphyre, plaçant le temps, dans la hiérarchie des choses divines, plus haut que ne l’avait mis Archytas de Tarente, l’avaient fait résider dans la vie même de l’Âme. Enchérissant sur Plotin et Porphyre, Jamblique avait fait du temps un principe ordonnateur distinct de l’Âme, et supérieur à l’Âme. Proclus lui avait assigné un grade encore plus élevé. Il s’est trouvé un philosophe néo-platonicien pour faire redescendre au temps les degrés que, peu-à-peu, on lui avait fait gravir, et pour le ramener au rang qu’Archytas lui avait assigné.
Cet auteur est, sans doute, un des derniers représentants de la pensée hellène. Son nom nous est inconnu. Son œuvre, qu’une version arabe nous a seule conservée, porte le titre apocryphe de Théologie d’Aristote.