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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE

XIII
LE VIDE SELON LES MÉCANICIENS. PHILON DE BYZANCE ET HÉRON D’ALEXANDRIE


De Zénon et de Chrysippe à Posidonius et à Cléomède, de ceux-ci à Jean Philopon, les Stoïciens ont développé, au sujet du vide, des pensées fort différentes de celles d’Aristote ; mais pour les justifier, ils ont suivi la même méthode que le Stagirite ; philosophes, c’est surtout au raisonnement qu’ils ont demandé l’établissement de leur Physique.

Voici, maintenant que nous allons avoir affaire à des adeptes d’une méthode toute différente, à des physiciens qui se réclameront surtout de l’expérience.

C’est par une synthèse assez étrange de l’enseignement d’Aristote et de l’enseignement des Atomistes que s’est formée la théorie professée, au sujet du vide, par deux illustres mécaniciens de l’Antiquité, par Philon de Byzance, puis par son imitateur Héron d’Alexandrie.

Les Grecs paraissent avoir songé de bonne heure à fonder sur l’impossibilité du vide la théorie du siphon et de ses multiples applications aux appareils hydrauliques.

Le premier, du moins à notre connaissance, qui ait suivi cette méthode, est Philon de Byzance, que l’on fait vivre deux siècles avant J. C. ; Philon n’était sans doute, en cette occurrence, que le continuateur de Ctésibius.

Ce n’est pas, à proprement parler, que Philon nie l’existence du vide avec la même rigueur qu’Aristote ; il attribue[1] à l’air une structure semblable à celle que lui attribuaient les atomistes :

« Les savants pensent que l’air est composé de très légers corpuscules qui, à cause de leur petitesse, ne tombent pas sous le sens de la vue ni sous aucun autre sens quand ils sont séparés, et que l’air n’est sensible alors que par sa force ; mais il n’en est plus de même quand ces corpuscules sont réunis. Des savants sont d’avis que le vide a une nature physique et qu’ils se mélange au corps de

  1. Philon de Byzance, Le livre des appareils pneumatiques et des machines hydrauliques, édité d’après les versions arabes et traduit en français par le baron Carra de Vaux (Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. XXXVIII, 1002), 4, pp. 99-100.