Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE


ment ; d’autre part, un mobile mû d’un mouvement de révolution ne se meut pas au travers d’un milieu ; une sphère céleste n’a, d’aucune manière, en son mouvement, à diviser un autre corps ; elle tourne sur elle-même sans couper rien de corporel ; de plus, la sphère inerrante, par sa face externe, ne touche rien ; et cependant, ces sphères qui ne divisent aucun corps se meuvent dans le temps, et les unes se meuvent plus vite, les autres plus lentement ; si donc un certain temps est employé à accomplir un mouvement, si ce qui est en mouvement est plus rapide ou plus lent, la cause n’en est pas en ceci que le mouvement se fait au travers d’un milieu ; c’est parce que la force (δύναμις) qui se trouve en chacun des divers mobiles est différente, que la vitesse est plus grande ou plus petite. Qu’un certain temps soit toujours consommé dans le mouvement, même par le mouvement le plus rapide, tel que celui de la sphère inerrante, la cause en est, croit-on à juste titre, la forme même du mouvement ; j’entends par là que tout mouvement part d’ici pour aller là (αὐτὸ τὸ τῆς ϰινήσεως εἶδος αἴτιον, λέγω δὴ τὸ πόθεν ποῖ εἶναι πᾶσαν ϰίνησιν) ; il est impossible, en effet, qu’une seule et même chose se trouve, au même instant (νῦν), en deux lieux différents. »

Tel est, en ses traits essentiels, l’enseignement de Jean Philopon.

L’importance de cette doctrine si nouvelle, si différente de renseignement d’Aristote, fut remarquée tout d’abord. En particulier, elle n’a pas échappé à Simplicius. Celui-ci n’aime guère le Grammairien dont, la plupart du temps, il traite les opinions avec sévérité. Ici, cette sévérité fait place à une certaine faveur L’élève de Damascius ne va pas, au sujet du mouvement dans le vide, jusqu’à abandonner la théorie péripatéticienne pour prendre celle de Philopon ; du moins expose-t-il cette dernière et reconnaît-il que, pour qui l’admet, les arguments d’Aristote perdent toute valeur.

Après avoir exposé comment, au gré du Stagirite, tous les poids tomberaient instantanément dans le vide, il ajoute[1] :

« La différence entre les mouvements provient aussi, comme Aristote lui-même le dit et l’affirme, des mobiles eux-mêmes, selon qu’ils ont un plus grand poids (ῥοπή) ou un poids moindre ; en sorte que les corps, de même qu’ils diffèrent entre eux en ce qui touche aux autres puissances (δυνάμεις), diffèrent relativement à

  1. Simplicii In Aristotelis Physicorum libros quattuor priores commentaria. Edidit Hermannus Diels. Berolini, MDCCCLXXXII ; lib. IV, cap. VIII, pp. 677-678.