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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/416

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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Les changements de grandeur apparente de Vénus sont également sauvés. Vénus est plus loin de la Terre que n’est le Soleil tandis qu’elle décrit sur son cercle l’arc βV’α ; elle est plus voisine de nous que le Soleil tandis qu’elle parcourt l’arc αVβ.

Platon et Aristote plaçaient Mercure et Vénus au dessus du Soleil ; Pythagore les mettait, dit-on, au-dessous de cet astre, et cette opinion sera reprise par Hipparque et par Ptolémée ; selon l’hypothèse d’Héraclide, chacune de ces deux opinions contient une part de vérité et une part d’erreur.

Qu’Héraclide le Paradoxalogue ait proposé une telle hypothèse afin de sauver les apparences si remarquables que Vénus nous présente, c’est ce que nous apprend Chalcidius[1].

Chalcidius suppose que les divers astres errants décrivent des épicycles dont les centres parcourent des cercles déférents concentriques au Monde ; puis il ajoute : « Héraclide du Pont, en attribuant un cercle épicycle à Lucifer (Vénus) et un autre au Soleil, et en donnant à ces deux cercles épicycles un même centre, a démontré que Lucifer devait se trouver tantôt au-dessus du Soleil et tantôt au-dessous ». Le commentateur du Timée montre, en outre, que si l’on mène du centre de la Terre deux tangentes à l’épicycle de Vénus, l’angle de ces deux tangentes détermine l’amplitude de l’oscillation que cette planète semble effectuer de part et d’autre du Soleil.

« Il est possible, écrit Th. H. Martin[2] que cet écrivain latin [Chalcidius] ait pris lui-même ce passage dans l’ouvrage d’Héraclide Sur la Nature ou dans quelque autre de ses ouvrages, et qu’il l’ait traduit ou résumé. Mais il est possible aussi que Chalcidius, attentif à dissimuler ses fréquents plagiats, ait trouvé le résumé tout fait chez quelque auteur grec et qu’il n’ait eu que la peine de le traduire. » Dans son édition de l’Astronomie de Théon de Smyrne, Th. H. Martin a même indiqué[3], en l’appuyant d’arguments de poids, l’opinion qui ferait d’Adraste d’Aphrodisias ou de Théon de Smyrne le véritable auteur du passage emprunté par Chalcidius.

Un des arguments invoqués par Th.-H. Martin mérite de rete-

  1. Theonis Smyrnæi Platonici Liber de Astronomia… accedit etiam Chalcidii Adrasto nel Theone eæpressusï Edidit Th. H. Martin, Parisiis, 1849, pp. 419-428. Chalcidii in Timœum CIX, CX, CXI (Fragmenta philosophorum grœcorum collegit F. A. G. Mullachius, vol. II, pp. 206-207. Parisiis Ambrosius Firmin-Didot, 1867).
  2. Th. H. Martin, Mémoires sur l’histoire des hypothèses astronomiques chez les Grecs et les Romains. Première partie, ch. V, § 4 (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Bettes-Lettres, t. XXX, 2e partie, 1881.
  3. Theonis Smyrnæi Liber de Astronomia, éd. Th. H. Martin, pp. 419-420.