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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


naissance et de la mort universelle aux périodes que les mouvements astronomiques offraient à sa contemplation.

Or, dès qu’ils avaient eu quelque connaissance du mouvement des étoiles errantes, les Grecs « étaient appliqués à déterminer les cycles qui ramènent un même ensemble de phénomènes astronomiques ; à ces cycles, ils donnaient volontiers le nom de grandes années.

C’est ainsi qu’en l’Astronomie de Théon de Smyrne, on peut lire ce passage[1] :

« Eudème, en son Astronomie, rapporte qu’Œnopide a, le premier, reconnu la ceinture du zodiaque et la période de la grande année. » Or cet Œnopide de Chio était contemporain d’Anaxagore, qui vivait au ve siècle avant notre ère.

Ce renseignement, qui nous apprend qu’Œnopide de Chio a traité d’une certaine grande année, se trouve confirmé par le compilateur Jean Stobée[2] ; celui-ci va nous apprendre que la grande année d’Œnopide n’était qu’un cycle luni-solaire[3].

« L’année de Saturne est une période de trente années [solaires] celle de Jupiter est de douze années, celle de Mars de deux ans, celle du Soleil de douze mois, celle de la Lune de trente jours ; c’est là, en effet, le mois parfait, compté d’une phase où la Lune est en conjonction [avec le Soleil à une autre phase semblable].

» Ce que l’on nomme la grande année (μέγας ἐνιαυτός) s’accomplit lorsque la Lune et le Soleil] reviennent aux lieux à partir desquels ils ont commencé à se mouvoir. Cette grande année, les uns la font consister en l’espace de huit ans (ὀϰταετερίς), les autres en l’espace de dix-neuf ans (ἐνναδεϰαετεηρίς), d’autres encore en des durées quatre fois plus grandes, d’autres enfin en cinquante-neuf ans ; parmi ces derniers, se trouvent Œnopide et Pythagore.

» D’autres font consister la Grande Année en ce que l’on appelle le principe du temps (ϰεφαλὴ τοῦ χρόνου) ; ce principe est marqué par la réunion des sept astres errants accomplie au jour où [le

  1. Theonis Smyrnæi Liber De Astronomia, cap. XL ; éd. Th.-H. Martin, pp. 322-325. Exposition des connaissances mathématiques…, I. III ch. XL ; éd. J. Dupuis, pp. 320-321.
  2. Joannis Stobæi Eclogarum physicarum lib. I, cap. VIII (Joannis Stobæi Eclogarum physicarum et ethicarum libri duo. Recensuit Augustus Meineke, Lipsiæ, 1860, t. I, pp » 66-67).
  3. Ce n’est pas l’opinion de Paul Tannery. Cf, : Paul Tannery, La grande année d’Aristarque de Samos, V et VI (Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux, 3e série, t. IV, 1888, pp. 79-96. — Réimprimé dans : Paul Tannery, Mémoires scientifiques, II, Toulouse et Paris, 1912, pp. 358-363). On trouvera dans ce mémoire d’importants renseignements sur les grandes années dont il est ici question. On en trouvera également dans : Sir Thomas Heath, Aristarchus of Samos, Part, I, XIX : Greek Months, Years, and Cycles ; pp. 284-294).