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LES DIMENSIONS DU MONDE

Paul Tannery a tenté[1] d’en deviner l’origine sans obtenir aucun résultat précis.

Au temps d’Archimède, la circonférence terrestre avait été déjà l’objet d’une mesure beaucoup plus exacte que celle dont se contente le géomètre syracusain ; l’auteur de cette mesure était Ératosthène.

Né dans la cité africaine de Cyrène 275 ans avant J.-C., Ératosthène étudia à Alexandrie, puis à Athènes ; il revint à Alexandrie, appelé par Ptolémée III Évergète qui l’attacha à sa cour ; en 236, il fut mis à la tête de la célèbre bibliothèque ; ayant perdu la vue en 195, il se laissa, en 194, volontairement mourir de faim.

Les renseignements les plus sûrs que nous ayons sur l’opération par laquelle Ératosthène a mesuré un arc du méridien terrestre sont ceux de Cléomède ; il les tirait sans doute des écrits de Posidonius et nous les a conservés[2] dans sa Théorie du mouvement circulaire des corps célestes.

Selon le récit de Cléomède, Ératosthène aurait supposé, comme point de départ de sa détermination, que les deux villes de Syène et d’Alexandrie étaient sous le même méridien et qu’elles étaient distantes de cinq mille stades. Il aurait admis aussi ce postulat : On peut regarder comme parallèles entre eux tous les rayons envoyés par n’importe quel point du Soleil à n’importe quel point de la Terre ; « car les mathématiciens font l’hypothèse que ces rayons se comportent ainsi », ajoute Cléomède : et, en effet, cette hypothèse équivaut bien à l’une de celles qu’Aristote prend soin d’attribuer explicitement aux mathématiciens qui ont mesuré la circonférence terrestre.

Syène, selon Ératosthène, est exactement située sous le tropique du Cancer ; au jour du solstice d’été, à midi, les gnomons ne portent aucune ombre ; le Soleil est au zénith. Le même jour et à la même heure, un gnomon dressé à Alexandrie[3] porte une ombre dont la longueur, comparée à la hauteur de la tige de l’appareil, permet de connaître la hauteur du Soleil au-dessus de l’horizon. Selon le récit de Cléomède, il s’en faut du cinquantième de quatre angles droits que cette hauteur atteigne 90° ; c’est donc là la différence de latitude entre Syène et Alexandrie.

Dès lors, l’arc qui sépare ces deux villes, et dont la longueur connue est de cinq mille stades, représente un cinquantième du

  1. Paul Tannery, Op. laud. ch. V, 10-11, pp. 111-113.
  2. Cleomedis De motu circulari corporum caelestium lib. I, cap. X ; éd. Hermannus Ziegler, Lipsiae, 1891, pp. 90-103.
  3. En réalité, Ératosthène a mesuré la hauteur du Soleil à Alexandrie à l’aide de la σκάφη, sorte de cadran solaire invente par Aristarque de Samos.