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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

qui l’ont suivi jusqu’à notre temps, c’est-à-dire pendant près de quinze cents ans, n’a pu rien ajouter à ses écrits, ni y trouver une erreur de quelque importance ».

Celui qui avait écrit ces lignes ne pouvait manquer de regarder comme erronées toutes les suppositions qu’Hipparque et Ptolémée avaient substituées aux principes posés dans le Περὶ Οὐρανοῦ.

Aussi le commentaire au De Cælo, composé par Averroès, ne se contente-t-il pas d’exposer le système des sphères homocentriques et de l’appuyer de toutes les raisons que peut fournir la Physique du Stagirite ; il contient[1] également une critique très ferme et très profonde du système que développait : Ibn Rochd reprend, d’ailleurs, cette critique lorsqu’il commente le XIIe livre de la Métaphysique[2].

Cette discussion des hypothèses de Ptolémée mérite d’ètre étudiée de près ; le débat quelle va soulever durera jusqu’au milieu du xvie siècle ; il empêchera les astronomes d’oublier que les principes de la théorie en vogue sont défectueux et contestables : il les pressera de chercher de nouvelles bases pour y asseoir leurs spéculations ; il préparera donc, à sa manière, la transformation copernicaine de l’Astronomie.

« Ce qui a été exposé de la Science astronomique prouve l’impossibilité des épicycles. Un corps qui se meut circulairement doit se mouvoir autour d’un centre fixe[3] ». « Prétendre[4] qu’il existe des épicycles ou des excentriques, c’est contredire aux lois physiques. Il est absolument impossible qu’il y ait des épicycles. Un corps qui se meut circulairement, se meut nécessairement de telle sorte que le centre de l’Univers soit le centre de son mouvement. Si le centre de sa révolution n’était pas le centre de l’Univers, il y aurait donc un centre hors celui-ci ; il faudrait alors qu’il existât une seconde terre, en dehors de cette terre-ci, et cela est impossible selon les principes de la Physique. On en peut dire autant de l’excentrique dont Ptolémée suppose l’existence. Si les mouvements célestes admettaient plusieurs centres, il y aurait plusieurs corps graves extérieurs à cette terre. »

Le principe qu’Averroès invoque ici est, en effet, un des prin-

  1. Aristotelis De Cœlo cum Averrois Cordubensis commentariis ; libri secundi summæ secundæ quæsitum III, comm. 32, et quæsitum V, comm. 35.
  2. Aristotelis Metaphysica cum Averrois Cordubensis expositione ; libri XII summæ secundæ cap. IV, comm. 45.
  3. Averroès, Commentaria in libros De Cœlo, lib. II, comm. 35.
  4. Averroès, 'Commentaria in libros Metaphysicœ, lib. XII, comm. 45.