Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

laissait le temps. Entre les doctrines astronomiques d’Ibn Rochd et celles de notre auteur on peut signaler de nombreuses analogies que Kalonymos s’est plu à énumérer dans son épître dédicatoire ; ces analogies ne sauraient nous étonner.

Elles frappent tout d’abord, ces analogies, lorsqu’on lit les critiques qu’Al Bitrogi formule[1] contre les hypothèses astronomiques de Ptolémée :

« Ce que je garde en ma mémoire des suppositions de Ptolémée et des principes qu’il a découverts, est pour moi, quelque chose d’intolérable ; il m’est impossible d’admettre ces suppositions ; je ne puis imaginer ces cercles, excentriques par rapport au Monde, qui tournent autour de leurs centres particuliers, distincts du centre de l’Univers, centres qui tournent eux-mêmes autour d’autres centres ; je ne puis admettre ces épicycles qui tournent autour de leurs propres centres, tandis que, dans l’épaisseur du même orbe, le centre de l’épicycle tourne, en sens contraire de la rotation de l’épicycle, sur un autre orbe excentrique au Monde. Tous ces orbes sont placés à l’intérieur d’un même orbe ; ils en remplissent une partie, tandis que le reste demeure vide ; l’orbe excentrique, c’est-à-dire le déférent du centre de l’épicycle, se trouve, d’un côté, dans la partie de cet orbe qui est proche de l’intérieur et, de l’autre côté, dans la partie qui est proche de l’extérieur ; ce qui reste n’a plus une figure exactement circulaire : en sorte que ce reste subira des mouvements ou des déformations partielles, lorsque ces excentriques et ces épicycles se mouvront au sein de cet orbe total : si l’on suppose que cet orbe total, au sein duquel sont réunies toutes les orbites partielles, est formé d’eau ou de feu, les diverses parties de cet orbe devront se mouvoir de façon à livrer un espace vide aux orbites partielles, tandis que le reste de l’orbe sera rempli comme il convient à la nature du fluide qui le forme. Ces suppositions engendrent l’erreur ; elle se manifeste par les faussetés qui s’ensuivent et par les propositions contraires à la vérité. Ptolémée eût mieux fait d’attribuer les deux mouvements principaux à doux orbes, de mettre seulement les planètes sur les excentriques et les épicycles, et de les laisser se mouvoir, au sein de l’air, par exemple, ou d’un corps de même sorte, selon les mouvements qu’il a imaginés ; cela eût mieux valu que d’admettre, en outre, l’existence de huit orbes et de supposer que chacun de ces orbes contient un certain nombre d’orbites destinées aux divers mouvements. »

  1. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 4, recto.