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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Le mouvement de chacune des huit sphères inférieures sera un mouvement mixte, résultant de la composition de deux mouvements simples.

En premier lieu, tout être désire imiter, autant qu’il est en lui, l’absolue perfection. Chacune des huit sphères[1] inférieures désirera donc se mouvoir du mouvement qui anime le mobile suprême, simple et parfait. Elle participera au mouvement de la neuvième sphère, mais elle n’y participera qu’imparfaitement : elle suivra la révolution de la neuvième sphère, mais avec un certain retard ; non pas que la neuvième sphère l’entraîne d’un mouvement violent ; le mouvement par lequel chaque orbite participe au mouvement de la sphère suprême est, pour elle, un mouvement naturel, qui provient d’une aspiration vers la perfection.

Cette aspiration est une vertu que l’orbite suprême communique aux sphères inférieures ; au fur et à mesure qu’elle s’éloigne du premier mobile dont elle émane, cette vertu s’affaiblit ; de même, celui qui lance une pierre ou une flèche lui communique une certaine vertu ; mais cette vertu diminue d’intensité au fur et à mesure que le projectile s’éloigne de son moteur.

Cette idée est une de celles auxquelles Al Bitrogi attache le plus d’importance ; elle est aussi une de celles qui ont le plus fortement retenu l’attention des lecteurs de son ouvrage. Elle marque, en cet ouvrage, l’influence d’un principe cher aux Néo-platoniciens. Empruntons l’énoncé de ce principe à une œuvre de la pensée arabe ; nous voulons parler du Livre des causes dont l’origine suggéra tant de conjectures aux auteurs médiévaux jusqu’à ce que saint Thomas d’Aquin y eut reconnu un recueil d’aphorismes, extraits de l’Institution théologique de Proclus, et enrichis de commentaires.

Le Livre des causes, en effet, formule le principe suivant[2], dont la doctrine d’Al Bitrogi est une application :

« L’infinitude de toute vertu est plus grande lorsque cette vertu est unie que lorsqu’elle s’est étendue en se propageant. En effet, le premier infini, qui est l’intelligence, est immédiatement voisin

  1. Alpetraghii Arabi Planetarum theorica, fol. 9, recto.
  2. In presenti volumine infrascripta invenies opuscula Aristotelis cum expositionibus sancti Thome : ac petri de Alvernia, Perquam diligenter visa recognita : erroribusque innumeris purgata. Sanctus Thomas De sensu et sensatoUltimo altissimi proculi (sic) de causis cum ejudem sancti Thome commentationibus… Colophon : … Impressa vero Venetiis mandato sumptibusque Heredum nobilis viri domini Odaviani Scoti civis Modoctiensis per Bonetum Locatellum presbyterum Bergomensem. Anno a partu virgineo saluberrimo Septimo supra millesimum quinquiesque centesinium quinto Idus Novembris. Cap. 17, fol. 80, col. b. — Ce passage du Livre des Causes est textuellement emprunté à l’Institution théologique de Proclus ; au tome I, p. 370, nous l’avons cité d’après ce dernier ouvrage.