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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

les périodes respectives des deux mouvements lents des étoiles sont sept mille ans et quarante-neuf mille ans.

Il ne semble pas que la fixation de ces durées ait été la conséquence d’aucune observation précise. Un auteur du xvie siècle, Agostino Ricci, a donné[1], de ce mode de fixation, une raison qui a ravi l’adhésion de Delambre[2] et qui paraît, en effet, fort plausible.

Agostino Ricci, né à Casale (Civitas casalesi Sancti Evasii), dans le Piémont, avait été élève, à Salamanque, du Juif kabbaliste Abraham Zaccut ; c’est de ce maître qu’il tenait le renseignement dont il va nous faire part.

Selon Abraham Zaccut, les Tables Alphonsines sont l’œuvre d’un groupe de Juifs, fort experts en Astronomie, qu’Alphonse X avait réunis à Tolède, et qui furent seulement aidés dans leur tâche par quelques savants chrétiens. Ce collège d’astronomes juifs avait pour chef un certain Rabbi Isaac, qui était hazan, c’est-à-dire chantre principal, de la synagogue de Tolède.

Rabbi Isaac et les astronomes juifs dont il dirigeait les travaux se laissèrent guider, dans le choix des périodes des deux mouvements lents qu’ils assignaient aux étoiles fixes, par les prescriptions de la loi Mosaïque. Selon ces prescriptions l’année sabbatique revenait tous les sept ans ; une durée de sept fois sept ou 49 années ramenait l’année jubilaire ; inspirés, sans doute, par l’opinion que les mouvements lents des étoiles fixes devaient régir la Grande Année, les rabbins de Tolède voulurent que 7.000 ans représentassent la période du mouvement de trépidation et que 49.000 ans mesurassent la période du mouvement de précession.

Ricci, selon l’enseignement d’Abraham Zaccut, nous affirme qu’Alphonse X ne tarda pas à regretter et à désavouer cette partie de l’œuvre des rabbins de Tolède. En 1256, dit Ricci, le roi de Castille fit traduire en Espagnol, par le Juif Rabbi Juda, le livre qu’Albuhassin (Abou’l Hhassan) avait composé sur le mouvement

  1. Augustini Ritii De motu octave sphere ; opus mathematica atque philosophia plenum, ubi tam antiquorum quam juniorum errores luce clarius démonstrantur ; in quo et quamplurima platonicorum et antique magie (quam cabalam hebrei dicunt) dogmata videre licet intellectu suavissima. Nuper in civitate Casalis Sancti Evasii sub divo Gulielmo marchione Montisferrati editum. Item Ejusdem Epistola de astronomie auctoribus ad magnificum dominum Galeottum de Lareto. Impressum in oppido Tridini… in edibus domini Ioannis de Ferrariis, alias de Jolitis, Anno nativitatis domini nostri Jesu christi, MCCCCCXIII, die X septembris. — Augustini Riccii De motu octavœ sphœrœEjusdem de Astronomiœ autoribus epistola. Imprimebat Lutetiæ Simon Colinæus 1521. — Cette seconde édition, où manque la lettre sur les auteurs de l’Astronomie, a été donnée par les soins d’Oronce Fine.
  2. Delambre, Histoire de l’Astronomie du Moyen-âge, p. 379.