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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

de Posidonius, Panétius, s’est écarté des autres Stoïciens ; il n’a pas osé nier que nous eussions le pouvoir de deviner, mais il a déclaré qu’il en doutait. »

Dans son livre Sur le destin, dont des fragments nous sont seuls parvenus, Cicéron argumentait surtout contre Chrysippe[1] qui, tout en ajoutant foi aux principes des « Chaldéens », c’est-à-dire des tireurs d’horoscopes, essayait, cependant, de soustraire les événements à venir au fatalisme absolu, et tentait, assez maladroitement d’ailleurs, d’y maintenir une certaine contingence. Il argumentait également contre Posidonius[2]. Saint Augustin nous apprend, en effet, que « le stoïcien Posidonius était fort adonné à l‘Astrologie[3] » ; qu’« il était, à la fois, philosophe et grand astrologue[4]. ». C’est surtout, semble-t-il, par les livres de Posidonius que Saint Augustin avait, dans sa jeunesse, connu la science des horoscopes ; on peut donc, sans témérité, attribuer au disciple de Panétius l’énoncé, reproduit par Augustin, du principe par lequel les astrologues prétendaient justifier leur science divinatoire.

Ce principe était ainsi formulé[5] : « Pour tout acte à accomplir, il faut choisir le jour, parce que la position des astres, qui est différente aux divers moments de la durée, a domination sur tous les corps terrestres, qu’ils soient animés ou inanimés (quia terrenis omnibus corporibus, sive animantibus sive non animantibus, secundum diversitates temporalium momentorum, siderum positio dominatur. » Nous reconnaissons l’axiome par lequel la Physique péripatéticienne avait lié[6], d’une manière immuable, aux circulations du monde supérieur, tous les changements du monde sublunaire.

Toutefois, si les Stoïciens énonçaient volontiers cet axiome dans les mêmes termes que les Péripatéticiens, ils ne pouvaient le justifier par les mêmes raisons. Aristote le reliait étroitement à la suprématie exercée sur les autres mouvements par la rotation éternelle de l’essence céleste ; or les Stoïciens n’admettaient pas cette cinquième essence indestructible.

Si nous voulons entendre d’une bouche stoïcienne la justification du principe fondamental de l’Astrologie, nous devrons écouter l’enseignement que donne la Lettre à Alexandre sur le Monde, Περί Κόσμου πρὸς Ἀλέξανδρον. Cet ouvrage a été faussement, pendant longtemps, attribué à Aristote ; Proclus, cependant, regar-

  1. M. T. Ciceronis De fato cap. VII.
  2. M. T. Ciceronis Op. laud., cap. III.
  3. S. Aurelii Augustini De civitate Dei lib. V, cap. II.
  4. S. Aurelii Augustini, ibid.
  5. S. Aurelii Augustini Op. laud., lib. V, cap. VII.
  6. Voir Ch. IV, § V ; t. I, p. 104.