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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

toutes ces plénitudes ; et le Démiurge les rassemble, les unit, en fait une puissance unique. Si les corps visibles eux-mêmes, en effet, sont remplis de puissances, à bien plus forte raison la Nature universelle est-elle toute pénétrée de divin ; et si l’Univers qui apparaît aux sens est un, à plus forte raison est-elle une, cette essence totale du Destin, et réunit-elle en son sein la complète synthèse d’une multitude de causes. Mise dans la dépendance de la providence des dieux et de la bonté du Démiurge, elle est, par celle-ci, ramenée à l’unité et dirigée ; car elle est la raison (λόγος) de raisons multiples ; elle est puissance unique aux formes diverses ; elle est vie divine ; elle est un ordre qui précède les choses qu’il ordonne. »

Le Destin, c’est donc la loi par laquelle le Démiurge met l’ordre et l’unité dans les puissances multiples que les intelligences divines et les âmes divines ont infusées à la Nature.

Proclus va s’efforcer de répondre à ces questions : « Comment le Démiurge produit-il la Nature, puisque c’est lui qui possède, en lui-même, le principe de cette Nature ? Comment, après avoir produit la Nature, formule-t-il les lois du Destin (εἱμαρμένοι νόμοι), puisque c’est lui qui a établi la Nature comme l’unité continue de ces lois ?

Voyons, d’abord, de quelle manière le Démiurge va soumettre les âmes aux lois du Destin.

Non seulement le Destin ne gouverne pas les âmes divines, les âmes indivises ; mais il ne gouverne pas non plus les âmes partielles considérées dans leur essence ; il ne les gouverne qu’à partir du moment où elles font partie de la Nature, où elles sont descendues dans le monde sensible, où elles siègent en des véhicules corporels (ὀχήματα).

« Par leur essence, donc, les âmes sont supérieures à la Nature et au monde ; elles sont au-dessus du Destin ; elles possèdent, en effet, le premier degré de subsistance, la subsistance séparée de ce monde inférieur ; c’est par leurs véhicules, c’est par les habitations que le sort leur a assignées en partage, qu’elles sont devenues du monde ; et la place que chacune d’elles y occupe, c’est du Démiurge qu’elle l’a reçue. Après donc qu’il les a attachées à leurs véhicules, à ces âmes auxquelles il a assigné les corps qu’elles doivent habiter, le Démiurge dicte les lois du Destin. »

Ces lois n’agissent pas sur les âmes à la manière d’une force venue du dehors, d’une contrainte extérieure ; c’est par l’intérieur qu’elles gouvernent les âmes descendues dans la Nature.

« C’est le propre de la providence des dieux de produire par