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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Dans cette Nature, émanée de l’Âme, il faut, d’ailleurs, distinguer deux parties[1] ; la plus noble est l’orbe qui contient les astres ; la moins noble est l’ensemble des corps que composent les éléments.

« Le premier Auteur[2] n’est ni en repos ni en mouvement, car il est au-dessus du repos comme du mouvement. Il est une essence d’où, sans fin, sans cesse, sans déplacement, émanent d’autres essences et d’autres dignités ; il est donc, à proprement parler, une sur-essence. Il réside dans chacun des êtres selon la capacité de chaque espèce ; de chacun deux, il informe l’essence scion la condition qui est la plus opportune à celle-ci.

» L’Intelligence active, donc, reçoit une essence plus noble que l’Âme raisonnable ; celle-ci, une plus noble essence que le Ciel ; le Ciel, une plus noble essence que les corps soumis au changement. Plus, en effet, une créature est éloignée [du premier Auteur], plus grand est le nombre des intermédiaires qui ont contribué à la produire, moins est noble l’essence qu’elle a reçue. »

Ce n’est pas directement que la Cause première produit et informe l’essence de chaque chose, mais par l’intermédiaire de La série des substances qui s’échelonnent entre elle et cette chose.

« Le premier Auteur[3] a créé toutes choses ; il leur a donné des formes imitées des formes absolues qui résident, en lui, et qu’il a également infusées au sein de l’Intelligence, qui est le premier être après lui et l’intermédiaire entre lui et les créatures… C’est pourquoi l’Âme désire sans cesse que l’intelligence active infuse en elle les formes universelles qui résident en cette Intelligence ; lorsqu’elle les a reçues, l’Âme les répand dans la Nature, et ainsi se fait La forme matérielle du monde céleste ; cette forme, à son tour, est la cause des formes matérielles particulières du monde soumis à la génération et à la corruption.

» Ces dernières formes sont moins lumineuses et moins pures [que les formes du Ciel], car la domination que la matière exerce sur elles les altère et les change. Les formes célestes, qui ont produit celles-là, sont plus claires, plus nobles, plus élevées ; elles ne se dissolvent pas ; elles sont absolument immuables,

  1. Aristotelis Theologia, lib. VII, cap. VI ; éd. 1519, fol. 34, ro ; éd. 1572, fol. 59, vo, et fol. 60, ro.
  2. Aristotelis Theologia, lib. XII, cap. XIX ; éd. 1519, fol. 73, vo et fol. 74, ro ; éd. 1572, fol. 123, ro.
  3. Aristotelis Theologia, lib. XII, cap. XXI ; éd. 1519, fol. 75, vo et fol. 76, ro ; éd. 1572, fol. 125, vo et fol. 126, ro.