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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

des philosophes hellènes, autant d’emprunts faits aux livres de Moïse.

De même, un contemporain de Clément, Minucius Félix, dans les enseignements des Stoïciens et des Épicuriens sur la conflagration générale du Monde, dans les allusions de Platon aux vicissitudes de déluges et d’embrasements par lesquels passe l’Univers, voit un reflet déformé des divines prédictions des prophètes touchant la fin du Monde[1].

C’est encore en vue de l’Apologétique qu’Arnobe, au début du ive siècle, invoque les traditions des païens touchant les déluges et les combustions qui ont ravagé l’Univers[2].

Les calamités sont incessantes et terribles, au temps où vit Arnobe ; les païens y voient des signes du courroux des dieux qui irritent les blasphèmes des chrétiens. Arnobe s’élève contre ces accusations. Les cataclysmes n’ont pas attendu la venue des chrétiens pour bouleverser le Monde : « Quand donc le genre humain a-t-il été exterminé par des déluges d’eau ? N’était-ce pas avant nous ? Quand donc le Monde embrasé fut-il réduit en braises et en cendres ? N’était-ce pas avant nous ? »

Si la colère des dieux offensés par les chrétiens n’est point la cause des malheurs qui accablent le genre humain, quelle en est donc la cause ? Demandez-le à la Physique, reprend Arnobe : « Qui sait si la matière première dont les quatre éléments ont été formés ne contient pas, enveloppées encore dans les raisons séminales dont elle est pleine, les causes de totites les misères ? Qui sait si les mouvements des astres, lorsqu’ils amènent ceux-ci à certains signes, en certaines régions [du ciel], a certaines époques, sur de certaines lignes, n’engendrent pas tous ces maux, si ce n’est pas eux qui imposent nécessairement, aux choses qui leur sont soumises, des sorts variés ? Qui sait si certaines vicissitudes des choses ne s’accomplissent pas en des temps bien déterminés ; si, comme une marée qui monte et descend, le bonheur n’a pas un flux suivi d’un reflux, en sorte que la prospérité alterne avec les calamités ? Qui sait si la lie de la matière, cette terre que nous foulons aux pieds, n’est pas astreinte, par la loi qui lui est imposée, à émettre des vapeurs très nuisibles qui corrompent l’air, en sorte que cet air corrompu mine nos corps et ébranle toutes les choses humaines ? Qui sait, enfin — et cela n’est pas loin d’être

  1. M. Minucii Felicis Octavius, XXXIV Recensuit et præfatus est Hem. Boenig, Lipsiæ, MCMIII ; pp. 54-55.
  2. Arnobii Adversus nationes libri VII, lib. I. Recensuit et commentario critico instruxit Augustus Reiffersheid. Vindobonæ, MDCCCLXXV (Corpus Scriptorum ecclesiasticorum latinorum, vol. IV) ; pp. 5, 7, 8, 9, 10.