Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
478
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


XIII
LA PHYSIQUE DES PÈRES DE L’ÉGLISE. LES ÉLÉMENTS ET LA SUBSTANCE CÉLESTE

Parmi les théories de la Cosmologie profane, il en est une qui paraît avoir surtout retenu l’attention des Pères de l’Église ; c’est la théorie par laquelle la Physique péripatéticienne caractérisait les quatre éléments dont elle composait les corps sublunaires et la cinquième essence dont elle formait les cieux.

Les débats, d’ailleurs, qui s’agitaient autour d’eux étaient bien faits pour ne les pas laisser indifférents à l’égard de cette doctrine.

Bien que l’existence d’un éther distinct des quatre éléments et propre aux corps célestes se trouve déjà indiquée dans l’Épimomide[1], c’est la Physique d’Aristote qui, à cette hypothèse, a donné tout son développement ; elle a, sur ce fondement, assis plusieurs de ses doctrines les plus importantes.

Théophraste avait admis[2], comme son maître, que les astres ne pouvaient être formés d’aucun des quatre éléments ; mais après lui, la supposition de l’essence propre aux cieux fut bientôt abandonnée ; on revint à ce que Platon enseignait dans le Timée ; on forma les astres d’un feu très pur, substantiellement identique au feu élémentaire.

De ce feu qui constitue les cieux, les Stoïciens ne voulurent pas, à la mode des Péripatéticiens, faire des orbes rigides dans lesquels les astres fussent enchâssés ; ils l’imaginèrent comme un πνεῦμα, comme un fluide aériforme très subtil au sein duquel les astres se pussent mouvoir librement[3].

Les Platoniciens se montrèrent, en général, hostiles ou, tout au moins, méfiants à l’égard de la cinquième essence péripatéticienne. Contre l’existence de cet éther, Plutarque voyait[4] se dresser « des milliers de difficultés, ϰαίτοι μυρίων οὐσῶν ἀποριῶν ». Plotin remarque en passant[5] que l’éternité du Ciel n’est point en

  1. Voir Première partie, Ch. II, § V ; t. I, pp. 45-48.
  2. Ioannes Philoponus De œternitate mundi contra Proclum. Edidit Hugo Rabe. Lipsiæ, MDCCCXCIX. Λύσις τοῦ τρισϰαιδεϰάτου λόγου ει′ pp. 520-521.
  3. Voir : Première partie, Ch. X, § II ; t. II, p. 81.
  4. Plutarque, De facie in orbe Lunœ, XVI (Plutarchi Opera moralia, éd. Didot, t. II, p. 1137).
  5. Plotini Enneadis IIœ lib. I, cap. II (Plotini Enneades, éd. Didot, p. 52).