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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

Monde, il eût regardé le firmament « analogue au cristal de roche » qu’imaginait Saint Basile, comme fort capable de contenir les eaux supra-célestes.

Saint Grégoire de Nysse détaille[1] la naïve réponse que son lrère avait donnée. « La face dorsale du ciel est découpée, elle est creusée de vallées semblables à celles que, sur la terre, forment les intervalles des montagnes ; dans ces vallées, l’eau demeure retenue.

» Et que disent nos adversaires ? Lorsque, par la rotation autour du pôle, la partie de la surface du firmament qui était en dessus viendra en dessous, l’eau contenue dans les cavités s’écoulera ? Ne peuvent-ils imaginer qu’il y ait, dans l’épaisseur des orbes, des vases qui l’en empêchent ? »

En lisant Saint Ambroise, nous retrouvons[2] l’objection que Saint Basile a rapportée et la réponse qu’il a faite à cette objection. Nous y trouvons aussi une objection nouvelle qui est formulée en ces termes : « Les philosophes demandent qu’on leur accorde ce point : Tandis que le globe terrestre est immobile, le Ciel tourne d’un mouvement rapide autour de son axe ; ils en concluent qu’il ne peut y avoir d’eaux au-dessus du Ciel, car celui-ci, en tournant, les répandrait toutes ».

La Physique qui dicte cette objection nouvelle est moins puérile que la Science dont la précédente était issue. En revanche, la réponse par laquelle l’Évêque de Milan pense réfuter cette objection serait fort embarrassée de s’autoriser d’aucune science sensée : « Qui les empêche d’admettre, dit-il de ses adversaires, que l’eau demeure suspendue au-dessus des cieux ? Ils disent que la terre demeure suspendue au centre du Monde et qu’elle y demeure immobile, alors qu’elle est assurément plus lourde que l’eau ; par la même raison, ils peuvent dire que l’eau qui est au-dessus des cieux n’est pas précipitée par la rotation de la sphère céleste ».

L’analogie que Saint Ambroise prétend découvrir entre ces deux cas est assurément insaisissable.

Ajoutons que l’Évêque de Milan assigne, aux eaux supracélestes, un rôle indispensable ; elles rafraîchissent l’axe du Monde qu’échauffe la perpétuelle rotation du Ciel.

Saint Jean Chrysostome ne s’aventure pas en cette querelle qui

  1. S. Gregorii Nysseni In Hexemeron liber [S. Gregorii Nysseni Opera accurante Migne, tomus I (Patrologiœ grœcœ tomus XLIV), coll. 89-90].
  2. S. Ambrosii Hexaemeron lib. III, 9 et 11 (S. Ambrosii Opera accurante Migne, tomi primi pars prior (Patrologiœ latinœ tomus XIV), col. 148 et col. 150].