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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

l’état de très fines gouttelettes, semblables à celles qui flottent en la plus haute région de l’air.

« Mais de quelque manière que les eaux demeurent au-dessus du Ciel, ajoute l’Évêque d’Hippone, et quelles que soient ces eaux, nous ne devons aucunement douter quelles s’y trouvent ; en effet, l’autorité de l’Écriture surpasse la capacité de tout esprit humain. »

Aussi, de même que nous l’avons entendu gourmander les Chrétiens qui tenaient en trop mince estime les enseignements de la Science profane, nous allons l’entendre se moquer de ceux qui prisent assez ces enseignements incertains pour vouloir, à toute force, imposer à l’Écriture un sens qui leur soit conforme.

Il parle, dans La Cité de Dieu[1], de ceux qui entendent au sens allégorique la séparation établie par le firmament entre les eaux supérieures et les eaux inférieures, qui y voient la distinction entre les bons anges et les mauvais anges. « Le motif de leur opinion, dit-il, c’est le poids des éléments ; ils ne pensent pas que la nature aqueuse, qui est fluide et grave, puisse résider dans les régions les plus élevées du Monde ». Et il plaisante l’excessive confiance que ces « poseurs d’éléments, trutinatores elementorum », accordent à leur Physique.


XV
LA PREMIÈRE TENTATIVE CONCORDISTE ENTRE LE RÉCIT DE LA Genèse
ET LA PHYSIQUE. JEAN PHILOPON

Saint Augustin était mort depuis plus de cent ans lorsqu’un homme crut apporter la solution du problème qui avait, à tant de reprises, sollicité les efforts de l’Évêque d’Hippone. Un des derniers représentants de la pensée hellénique vint soutenir la thèse suivante : Sans avoir l’intention de faire œuvre de physicien ni d’astronome, Moïse, au premier Chapitre de la Genèse, nous enseigne des vérités que la science des Grecs a retrouvées bien longtemps après lui ; d’ailleurs, là où son enseignement est en contradiction avec la Physique péripatéticienne, les hypothèses proposées par le Prophète « sauvent les phénomènes » beaucoup mieux que celles d’Aristote.

Cette œuvre est donc la première tentative qui ait été faite

  1. S. Augustini De Civitate Dei lib. XI, cap. XXXIV.