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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

miné, et, d’autre part, ceux qui n’exigent rien d’elle, sinon qu’elle s’accorde exactement avec l’expérience. Ainsi considérée, elle apparaît comme la première phase d’un débat qui durera sans doute aussi longtemps que la pensée humaine.

Simplicius répond aux objections que Xénarque a tirées du système de Ptolémée pour les opposer à la Physique d’Aristote ; peut-être serait-il plus juste de dire qu’il examine ces objections ; ce qu’il en dit, en effet, ne saurait passer pour une réfutation, mais plutôt pour une tentative de conciliation.

Le commentateur athénien commence par railler[1] l’ignorance où Xénarque paraît être des véritables opinions des astronomes. Où donc Xénarque a-t-il pris que ceux-ci fissent tourner chacun des astres errants autour de son centre particulier ? Sans doute chez quelque ignorant qui avait mal lu Ptolémée et qui avait confondu le centre de l’épicycle avec le centre de l’astre. Platon croyait à cette rotation des astres sur eux-mêmes. Mais les astronomes modernes ne parlent plus de cette rotation ; ils considèrent seulement la révolution du centre de l’épicycle sur l’excentrique, et la rotation de l’épicycle sur lui-même, rotation dans laquelle l’astre est entraîné par l’épicycle auquel il est fixé, sans éprouver aucun mouvement propre.

N’en déplaise à Simplicius, Xénarque n’avait pas été mal inspiré en adjoignant, aux mouvements admis par Ptolémée, un mouvement de rotation des astres sur eux-mêmes. Comment la Lune, entraînée par la rotation de son épicycle, nous montrerait-elle toujours la même face, si elle ne tournait sur elle-même, accomplissant une révolution dans le temps même que dure la rotation de l’épicycle ? Cette vérité avait peut-être échappé à la perspicacité des géomètres grecs ; nous verrons que les astronomes du Moyen Age l’ont clairement aperçue.

Xénarque a posé ces propositions comme hors de conteste : Le mouvement du Ciel est simple ; cependant, le mouvement de chaque astre errant n’est nullement un mouvement circulaire et uniforme autour du centre de l’Univers ; la rotation uniforme, homocentrique à l’Univers, n’est donc point, comme le prétend Aristote, le seul mouvement circulaire simple, le seul dont la cinquième essence soit susceptible.

Il ne semble pas que cette argumentation soit réfutable, à moins que l’on n’abandonne le système astronomique de Ptolémée ; Simplicius, cependant, qui tient pour ce système, répond encore

  1. Simplicius, loc. cit. ; éd. Karsten, p. 17, col. b ; éd. Heiberg, p. 32-33.