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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

corder par accident et sauver également toutes les apparences du mouvement solaire, les géomètres antérieurs à Hipparque ont grandement contribué à délimiter avec exactitude la portée des théories astronomiques. Adraste s’est attaché[1] à prouver que l’hypothèse de l’excentrique était une conséquence de l’hypothèse de l’épicycle ; Théon démontre que l’hypothèse de l’épicycle peut, inversement, être considérée comme une conséquence de l’hypothèse de l’excentrique. Ces propositions mettent en évidence, selon lui, l’impossibilité où se trouve l’astronome de découvrir l’hypothèse vraie, celle qui est conforme a la nature des choses : « À quelque hypothèse qu’on s’arrête[2], les apparences seront sauvées ; c’est pour cela qu’on peut considérer comme vaines les discussions des mathématiciens, dont les uns disent que les planètes ne sont emportées que sur des cercles excentriques, dont les autres prétendent qu’elles sont portées par des épicycles, et d’autres encore qu’elles se meuvent autour du même centre que la sphère des étoiles fixes. Nous démontrerons que les planètes décrivent par accident ces trois sortes de cercles, un cercle autour du centre de l’Univers, ou un cercle excentrique ou un cercle épicycle ».

Si la décision qui détermine l’hypothèse vraie échappe à la compétence de l’astronome, de celui qui se contente de combiner les figures abstraites du géomètre et de les comparer aux apparences décrites par l’observateur, elle est donc réservée à celui qui a médité sur l’essence des corps célestes, au physicien ; celui-là seul est apte à poser les principes à l’aide desquels l’astronome, entre plusieurs suppositions également propres à sauver les phénomènes, discernera l’hypothèse conforme à la nature. Voilà ce que le stoïcien Posidonius affirmait dans ses Μετεωρολογιϰά. Géminus, dans un commentaire abrégé des Météores de Posidonius, reproduisait cette doctrine ; et, afin d’éclaircir la comparaison entre le mathématicien et le physicien qu’Aristote avait donnée, au second chapitre du IIe livre des Physiques, Simplicius reproduisait le passage écrit par Géminus.

Voici ce passage[3] :

« Il appartient à la théorie physique d’examiner ce qui concerne l’essence du ciel et des astres, leur puissance, leur qualité, leur

  1. Théon de Smyrne, Op. laud., ch. XXVI ; éd, Th. H. Martin, p. 245-247 ; éd. J. Dupuis, p. 269.
  2. Théon de Smyrne, Op. laud., ch. XXVI ; éd, Th. H. Martin, p. 221-223 ; éd. J. Dupuis, p. 251.
  3. Simplicii In Aristotelis Physicorum libros quattuor priores commentaria. Edidit Hermannus Diels, Berolini, 1882, pp. 291-292 (comm. in lib. II, cap. II).