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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

baigne. Au sein de cette substance, l’astre décrit sa trajectoire plus ou moins compliquée sans qu’aucune sphère solide le guide en sa marche. Tout en professant une théorie astronomique plus savante, Ptolémée se réclame d’une Physique toute semblable à celle de Cléanthe et des Stoïciens. Il n’a cure des critiques que Dercyllide, Adraste d’Aphrodisias et Théon de Smyrne adressaient à cette Physique.

L’attitude de Ptolémée à l’égard du théorème de l’équivalence entre l’épicycle et l’excentrique marque nettement sa rupture avec les principes dont se réclamaient Adraste et Théon. Le mouvement du Soleil est également sauvé soit qu’on fasse décrire à cet astre un cercle excentrique au Monde, soit qu’on le fasse tourner avec un épicycle dont le centre demeure toujours à la même distance du centre de l’Univers. De ces deux hypothèses, quelle est celle qu’une saine Physique commande d’adopter ? Selon Adraste et Théon, c’est l’hypothèse de l’épicycle, car un mécanisme formé de sphères solides emboîtées les unes dans les autres permet alors de figurer la marche du Soleil. Selon Ptolémée[1], « il est plus raisonnable de s’attacher à l’hypothèse de l’excentrique, parce qu’elle est plus simple, parce qu’elle ne suppose qu’un seul mouvement, et non deux ».


IV
LES OPINIONS DE PTOLÉMÉE SUR LA VALEUR DES HYPOTHÈSES ASTRONOMIQUES.
B. Les Hypothèses des planètes

La lecture de la Syntaxe mathématique nous a permis de faire les observations que voici :

Au début de son ouvrage, Ptolémée formule ses postulats comme si l’Astronomie tout entière devait reposer sur des principes d’une entière certitude, sur d’incontestables vérités de Physique.

À la fin, au contraire, instruit par l’expérience, l’auteur ne donne plus ses hypothèses que comme artifices propres à sauver, le plus simplement possible, les phénomènes ; artifices provisoires, d’ailleurs, qu’on devra compléter et modifier au fur et à mesure que des observations plus précises en viendront marquer l’insuffisance.

  1. Claude Ptolémée, Composition mathématique, livre III, ch. IV ; éd. Halma, t. I, pp. 183-184 ; éd Heiberg, Γ′, δ′, pars I, pp. 232.