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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE

» S’il y avait en cet endroit des eaux congelées, il s’y trouverait donc quelque chose de pesant et de grave. Mais le lieu propre des graves est la terre. Item : S’il se trouve en cet endroit des eaux congelées, elles sont contiguës au feu ou ne le sont pas *. Si elles sont contiguës au feu, qui est chaud et sec, tandis que les eaux congelées sont froides et humides, le contraire se trouve, sans intermédiaire, joint à son contraire ; entre eux, il ne pourra pas y avoir accord, mais lutte mutuelle entre les contraires ; plus précisément, si l’eau congelée est contiguë au feu, ou bien le feu lui fera perdre sa solidité, ou bien elle éteindra le feu ; puis donc que le feu et le firmament subsistent, c’est que les eaux congelées ne sont pas contiguës au feu. Si elles ne lui sont pas contiguës, il y a quelque chose entre elles et le feu ; niais que sera ce quelque chose ? Un élément ? Mais aucun des éléments ne se trouve au-dessus du feu. Un corps visible ? Mais d’où vient qu’on ne le voit pas ? Il reste donc qu’il n’y a, en cet endroit, point d’eau congelée.

» Je sais bien ce qu’ils disent : Nous ignorons comment cela est, mais nous savons que Dieu le peut faire. Les malheureux ! Quoi de plus misérable, en effet, que de dire : Dieu peut faire une chose, et de ne pouvoir constater que cette chose est, de ne posséder aucune raison de son existence, de ne montrer aucune fin utile en vue de laquelle elle serait En effet, Dieu ne fait pas tout ce qu’il peut faire ; pour parler comme un paysan, il peut, d’un tronc d’arbre, faire un veau ; l’a-t-il jamais fait ? Qu’ils montrent donc la raison pour laquelle il en est comme ils le prétendent, ou bien qu’ils cessent de juger qu’il en est ainsi.

» D’ailleurs, s’il n’y a pas d’eaux congelées en cet endroit, il ne saurait y avoir d’autres eaux au-dessus d’elles.

» Lorsque la Sainte Ecriture dit : « Il a séparé les eaux qui se trouvent sous le firmament de celles qui se trouvent au-dessus », elle a donné le nom de firmament à l’air, qui affermit et tempère la terre. Au-dessus de cet air se trouvent, comme on le montrera plus loin, des eaux qui sont suspendues sous forme de nuées et qui sont séparées des eaux placées au-dessous de l’air. On peut expliquer de même ce passage : « Il a posé le firmament au milieu des eaux » ; bien que ce passage soit dit, croyons-nous, au sens allégorique plutôt qu’au sens littéral. »

1. Guillaume de Conches a identifié précédemment l’cthcr qui remplit les régions célestes, et le feu. ; nous le verrons tout à l’heure. DUliEM. — T. IXI.