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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


teur ; beaucoup de gens n’en admettent pas l’existence parce que l’excessive chaleur ne nous permet pas d’y parvenir ; mais les physiciens la reconnaissent en vertu de la nécessité susdite ; on l’appelle la Mer véritable.

» Lorsque cette Mer atteint l’Occident, elle émet deux courants (refluxiones) dont l’un s’enfonce vers le Nord et l’autre vers le Sud, en suivant les côtés de la terre. À l’Orient, elle en émet également deux qui s’avancent dans les mêmes directions.

» Lorsque le courant occidental et le courant oriental qui s’avancent tous deux vers le Nord viennent à se rencontrer, la réflexion causée par leur choc mutuel refoule la mer en arrière ; alors se produit ces fameux flux et reflux de l’Océan qu’on nomme la marée (fluctus maris), Les deux autres courants se rencontrent de même à l’autre pôle de la terre. »

À cette explication de la marée, qu’il emprunte à Macrobe, Guillaume de Conches en joint tout aussitôt une autre qui rappelle quelque peu celle de Paul Diacre.

« D’autres, dit-il, prétendent que la marée a pour cause des montagnes sous-marines.

» En effet, lorsque la mer rencontre ces montagnes, elle est rejetée en arrière et refoulée ; alors elle remplit son lit en arrière, tandis qu’elle le vide en avant ; mais encore, le mouvement se renverse ; la mer vide son lit en arrière et le remplit en avant. »

Ces causes ne peuvent engendrer qu’une oscillation régulière, toujours de même durée, toujours de même amplitude en un lieu donné. Guillaume de Conches semble avoir compris qu’elles ne sauraient rendre compte de l’alternance entre les vives-eaux et les mortes-eaux ; et c’est pourquoi, sans doute, il va demander à la Lune l’explication de cette alternance.

« Voyons, dit-il [1], pourquoi la marée décroît pendant les sept premiers jours de la lunaison et croît pendant les sept jours suivants.

» Au moment de la nouvelle-lune, toute la splendeur du Soleil, qui embrase la Lune, se trouve au-dessus d’elle ; la Lune ne peut ni raréfier l’air qui réside au-dessous d’elle ni dessécher la substance humide ; la marée est alors dans son plein.

» Mais au fur et à mesure que la lumière du Soleil se met à descendre, la Lune s’allume ; elle dessèche et diminue la substance

1. Hirsaugiexsis, lib. Il, Unde maris crescentia a Lunæ defectu.— Honorius, lib. III, cap. XXI : Unde sît quod in lunatione modo crescunt humores et modo decrescunt. — Beda, lib. III, col. ïi66.

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