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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


Lune ; cette’application se trouve [1] dans un chapitre intitulé. De chascun planète por soi

« De la Lune sunt II opinions », lisons-nous dans ce chapitre. « L’une de Aristote, qu’il tiènent à hérésie ; l’autre commune que li philosophes, presque tuit [2], distrent : Que li cors de la Lune est aquatikes et plus espès que li autre planète por la prochièneté de l’aive et de la terre ; et porce qu’èle est voisine as froides choses, ce esta l’aive et à la terre, elle n’a de soi ne chalor ne resplendor ; ainz covint qu’èle le eust dél Soloil. Quar ce est I cors poliz et exters [3] autresi cum glace ou cristals ; et quant li rais del Soloil ce fièrent [4], si reluist autresi cum I mireor. Et jà soit-ce que il soit moult poliz si cum je vos ai dit, neporquant il est en aucunes parties plains de roil [5] et de eschardeus [6], là où il a plus amoncelé de la nature de l’aive et de la terre ; et por ce, a plus naturel obscurté en cel partie ; dum il apert plus de obscureté, en cèle partie, et de umbre, jà soit-ce que la Lune soit un core tote pleine de lumière.

» Aristote disoit que li cors de la Lune estoit de nature de feu ; mès, neporquant, il avoit moult de la nature de l’aive et de la terre ; et toute cèle matire pesant et griève se assist en la plus basse partie devers nos, et retint en soi sa naturel obscurté ; la légière matire, qui estoit de feu et de air, s’en ala ès parties dessus et garda en soi sa clarté et sa purté ; et la partie clère, qui est de nature de feu, regarde touz jors le Soloil por la semhlance de la complexion et de la qualité. »

La dernière phrase, évidemment, ne se doit point prendre au pied de la lettre. Lorsque la Lune est en opposition, la partie de cet astre qui regarde le Soleil est aussi cette partie, « plus pesant et plus griève » qui est la plus basse et se tourne « devers nous ». Mais au lieu du seul mot : Soleil, lisons : région du ciel où se meut le Soleil, et toute la pensée s’éclaire ; dans le passage que nous venons de lire, nous reconnaissons un essai d’explication de cette vérité : La Lune tourne toujours vers nous la même face. Au dire de celui que notre auteur nomme Aristote, cet hémisphère toujours tourné vers le bas, c’est celui qu’alourdissent l’eau et la terre ; l’autre hémisphère, composé d’air et de feu, est plus

1. Ms. cit., fol. 28, col-, d, et fol. 29, coi. a.

2 Tait = tous.

3. Exters = lisse, poli (eætersus).

4. Fièrent = frappent.

5. Roil = rouille.

6. Eschardeus = écailleux, raboteux.

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