Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
191
LE TRIBUT DES ARABES


faite de cohésion ; les choses étant telles, c’est avec raison, dis-je, que le Philosophe divin a annoncé que les quatre éléments ont été fondés. Mais, par le nom de Terre, il a désigné tous les corps doués de cohésion, les dénommant par la plus digne partie des choses qui ont cohésion ; quant aux éléments légers et invisibles, il les a appelés le Ciel (cælum), parce que leur nature les soustrait et les cèle (celentur) à nos regards. »

En cette audacieuse interprétation du verset : In principio creavit Deus cælum et terra, bien des influences se laissent deviner.

L’étymologie hasardée qui la termine est la trace de ces rapprochements, trop semblables à des calembourgs, qu’Isidore de Séville avait mis à la mode, que Bède le Vénérable et Rhaban Maur recherchaient, qui ne font pas défaut dans l’opuscule De imagine Mundi composé par Honorius Inclusus.

L’affirmation que les éléments se transmuent les uns dans les autres, le parallélisme entre la fluidité des corps légers et la cohésion des corps graves, pourraient passer pour des réminiscences de Jean Scot Érigène.

Mais auprès de ces influences, que nous pouvions nous attendre à constater, et dont la trace, cependant, est à peine visible, il en est une qui s’est fortement exercée et qui a profondément imprimé sa marque en l’Opusculum de opere sex dierum ; c’est l’influence de la Physique péripatéticienne.

Thierry reprend cette affirmation que nous lui avons déjà entendu émettre : Le feu céleste se meut nécessairement, et son mouvement est forcément un mouvement de rotation. Mais l’argument qui appuie cette affirmation a changé. Tout à l’heure, l’auteur invoquait cette preuve : Le ciel ne peut passer d’un lieu dans un autre, parce que le ciel contient toutes choses et que, hors de lui, il n’y a rien, partant pas de lieu ; ce raisonnement là, c’était celui du Stagirite au IVe livre de sa Physique. Thierry, maintenant, invoque cette autre preuve : Un mouvement qui doit être perpétuel ne peut être qu’un mouvement de rotation car, à un mouvement de translation, il faut une fin, un but (finis) ; ce raisonnement là, c’est celui qui est développé au premier livre du De Cælo et Mundo.

À ces affirmations si profondément péripatéticiennes, Thierry en joint une autre qui porte, gravé avec une particulière netteté, le sceau d’Aristote : Pas de mouvement circulaire s’il n’existe un corps central immobile autour duquel ce mouvement se produise, de même qu’une roue tourne autour de son moyeu.