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LE TRIBUT DES ARABES


ne puisse jamais courir ni plus vite ni moins vite que ne le veut cette loi. On me dira donc : Puisque nous sommes clairement assurés qu’il en est comme vous l’affirmez, pourquoi donc venez-vous, en vous contredisant vous-mêmes, déclarer que les cours des planètes peuvent varier un jour, et que, pour cette raison, il les faudra corriger ? À quoi nous répondrons ainsi :

» Les premiers savants qui ont étudié l’Astronomie, séparés du ciel par un immense intervalle, ont dû recourir aux instruments pour déterminer les voies que suivent les planètes. Ce qu’ils en ont pu mesurer, selon les forces de leur génie, à l’aide d’instruments et d’appareils, ils nous l’ont transmis au moyen de l’écriture. Les successeurs de ces premiers savants ont, à leur tour, pesé dans la balance d’un subtil jugement les dires des philosophes précédents ; ils ont gardé beaucoup de ce que ceux-ci avaient dit, mais ils ont ajouté plus de choses encore qu’ils avaient tirées de la capacité de leur intelligence ; aussi ont-ils pu traiter des étoiles, en leurs écrits, d’une manière plus exacte. Mais n’allons pas dénier ce qui est vrai : Jamais ni les prédécesseurs ni les successeurs n’ont pu discuter le sujet avec tant de précision qu’ils ne s’écartassent de la véritable connaissance du ciel d’une certaine quantité, si petite fût-elle. On en voit un exemple en l’astrolabe, comme nous l’avons montré en étudiant la composition de cet instrument. Nul savant n’a pu découvrir pleinement, nul n’a pu consigner d’une manière évidente dans ses livres, au bout de combien de temps et de quelle quantité les nombres de signes, de degrés, de minutes et de secondes qu’on trouve dans les traités sur le cours des planètes, s’écarteraient en plus ou en moins des nombres véritables.

» Nous le savons, d’ailleurs, d’une manière certaine, car Ptolémée a pensé que les traités du cours des planètes devraient être corrigés au bout d’un temps très long. Nous aurions l’espoir de pouvoir aisément déterminer la correction qu’il leur faut apporter si nous connaissions le nombre des années qui se sont écoulées depuis celle où l’astronome susnommé a composé son astrolabe jusqu’à l’instant présent. Mais entre les astronomes, il y a coutumière altercation à ce sujet. Comme onze rois égyptiens, qui portaient tous le nom de Ptolémée, ont excellé en Astronomie, quel est celui d’entre eux qui a composé l’astrolabe ? Toutefois, parmi ces rois, il en est deux qui ont, plus que les autres, laissé la réputation de savants ; aussi les plus anciens astronomes pensent-ils que l’astrolabe a été composé par Ptolémée qui fut surnommé le Grand. »