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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/283

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


ou orbe des étoiles fixes, qui se meut d’un degré en cent ans, et cela par mouvement propre, ce mouvement sera perçu à l’aide d’un corps situé plus haut ; ce corps, c’est le neuvième ciel. Mais ce ciel est immobile, comme je le vais prouver. Qu’il soit immobile, cela est évident ; s’il se meut, en effet, c’est d’Orient en Occident ou bien en sens contraire ; mais ni l’un ni l’autre n’est vrai ; car Aristote dit, au livre Du Ciel et du Monde, que l’orbe des étoiles fixes se meut en sens contraire des planètes, et, ici, il en dit autant ; puis donc qu’il n’y a pas plusieurs orbes qui se meuvent d’Orient en Occident, et qu’excepté ceux des planètes, il n’en est pas qui se meuvent en sens contraire, il faut admettre que ce neuvième orbe est immobile. »>

Voici ce que répond Bacon :

« Selon ce qui est touché dans la précédente raison et démontré en Astronomie, il faut supposer un neuvième ciel, et il faut admettre qu’il se meut ; sinon, il existerait en vain, bien que certains le disent immobile…

» Il se meut d’Orient en Orient [par l’Occident], et il entraîne avec lui tous les orbes inférieurs, leur imprimant une révolution eu chaque jour naturel. Lorsqu’on veut prouver qu’il n’en est pas ainsi parce qu’Aristote dit que le firmament se meut d’Orient eu Orient par l’Occident, répondons : Cela se doit entendre dans le bon sens ; Aristote ne veut pas que le firmament tourne ainsi par mouvement propre, mais par le mouvement du premier mobile, qui est le neuvième ciel ; sinon, Aristote, ou, tout au moins, les auteurs de l’Astronomie enseigneraient une erreur. »

Bacon, d’ailleurs, ne croit pas à cet antagonisme entre Aristote et les astronomes, car il invoque [1], à la fois, l’autorité de l’un et l’autorité des autres à l’appui de cette proposition : « Tous les orbes inférieurs se meuvent d’un double mouvement, un mouvement propre et un mouvement d’entraînement ». Nous venons d’exposer ce qu’il nous est donné de connaître de la science astronomique de Roger Bacon au temps où, simple maître ès arts, il enseignait à l’Université de Paris. Cette science nous est apparue bien chétive encore et bien pauvre ; mais, déjà, nous avons constaté qu’elle était en voie d’accroissement, que, d’une année à l’autre, le jeune maître s’instruisait plus complètement des mouvements du ciel.

Laissons passer quelque vingt ans ; dans Fauteur de l’Opus majus et de l’Opus tertium, nous trouverons un des hommes

  1. Ms. cit., fol. 7.3, col. a, à propos de cette question : Quœritur utrum necesse sit quod moveantur duplicity motu.