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L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS


trouver le lieu exact de cette planète, comme on le trouve par les Tables de Tolède. »

Les Tables de Montpellier paraissent être une simple transposition des Tables de Tolède, analogue à celle qu’en 1140, avaient donnée les Tables de Marseille. Il ne semble pas que Profatius ait, par aucune observation nouvelle, corrigé l’œuvre d’Al Zarkali et de ses disciples. Sans doute, il ne donne plus à l’obliquité de l’écliptique que la valeur 23° 32′ , mais il ne paraît pas que cette évaluation soit le résultat d’une détermination directe, comme Copernic semble l’avoir cru1 ; bien plutôt a-t-elle été calculée à l’aide des tables fondées par Al Zarkali sur la théorie de l’accès et du recès.

Jacob ben Makir semble avoir senti lui-même ce qu’il y avait de peu logique dans l’usage qu’il faisait des Tables de Tolède, après les avoir soumises à une acerbe critique ; c’est peut-être pour atténuer l’éclat de cette contradiction qu’il ajoute cette phrase :

« Les livres des hommes que j’ai cités ci-dessus se trouvent être, aujourd’hui, tout à fait inutiles ; cela est évident à quiconque se donne la peine de regarder ; nous devons, toutefois, rendre grâce à leur bonne volonté et à leur labeur ; ce sont eux, en effet, qui nous ont ouvert la voie et qui nous ont indiqué la méthode suivie dans ce travail. »

L’inconséquence de Profatius lui allait être bientôt reprochée par les astronomes ; un commentateur et admirateur de notre rabbin, Andalô di Negro, nous l’apprendra [1].

Les critiques adressées par Jacob ben Makir à l’œuvre d’Al Zarkali et aux Tables de Tolède nous doivent suggérer une remarque : Il est clair que Jacob ignore que cette œuvre ait été reprise et que des tables nouvelles aient été dressées ; il ne connaît pas encore, lui, le rabbin le plus savant du Languedoc et de la Provence, l’existence des Tables Alphonsines.

Lorsqu’en 1140, un astronome de Marseille transposait les Tables de Tolède et dressait ses propres tables pour le méridien de sa ville natale et pour la chronologie chrétienne, il se montrait singulièrement en avance sur la science latine de son temps ; lorsque après cent-soixante ans écoulés, Jacob ben Makir reprenait une tâche toute semblable, on eût pu l’accuser de retarder quelque peu sur l’Astronomie de son époque ; en l’année 1300, les Tables Alphonsines étaient déjà connues à Paris ; c’est de ces tables nou-

1. Nicolai Copernici Thorunensis De revolutionibus orbium cœlestium libri sex. Liber III, cap. VI : De æqualibus inotibus prœcessionis æquinoctium et inclinationis Zodiaci.

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