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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/341

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

les astronomes mentent lorsqu’ils supposent l’existence d’épicycles qui tournent autour d’un centre pris sur un cercle déférent ; ils prétendent qu’on énonce une erreur lorsqu’on dit que les excentriques n’ont pas pour centre le centre de la Terre et qu’ils n’ont pas tous un même centre, selon ce qui est prouvé dans l’Almageste de Ptolémée. Il ne nous est pas possible d’entreprendre ici une étude suffisante de ces questions. Nous passerons donc outre, en faisant remarquer que l’argument d’Averroès ne saurait tenir que si tous les cieux étaient de même nature, de même espèce et de même matière, comme les éléments sont tous formés d’une même matière. Mais il n’en est pas ainsi, comme nous le montrerons au second livre. Puis donc que les corps célestes diffèrent les uns des autres par la forme et par la matière, ils diffèrent aussi par le mouvement ; dès lors, il n’y a aucun inconvénient à supposer à ces mouvements des centres différents. D’ailleurs, Averroès n’a nullement acquis une connaissance exacte de la nature des corps célestes ; aussi a-t-il formulé, au sujet des cieux, beaucoup de propositions abusives et absurdes ; la simple vue suffit à nous convaincre de la fausseté de ces propositions. »

Albert le Grand concède[1] à Ibn Rochd que les Mathématiciens, en posant des excentriques et des épicycles, formulent « des hypothèses qui ne peuvent être démontrées ; mais il n’est, dans le De Cælo et Mundo d’Aristote, aucune raison qui soit de nature à les faire rejeter ».

Aux hypothèses des Mathématiciens, Averroès a opposé cette considération : Puisque le vide est impossible, il faudrait donc qu’entre les orbites excentriques qui guident, dans sa course, le déférent de chaque planète, il existât un corps non sphérique de même nature que le ciel. Ce corps, Albert ne fait point difficulté de l’accueillir[2] en ses théories. Ce sera un fluide, « plus rare que les orbites dont il remplit l’intervalle et, cependant, de même nature que ces orbites ; il pourra tantôt se resserrer et tantôt s’étendre, de manière que l’espace compris entre les sphères soit toujours exactement occupé… C’est, d’ailleurs, l’opinion que Thébit a émise en son livre sur le mouvement des sphères[3] ».

  1. Alberti Magni De Cælo et Mundo liber secundus, tract. III, cap. III.
  2. Alberti Magni De Cælo et Mundo liber secundus, tract. I, cap. XI.
  3. Nous n’avons rien pu trouver qui justifiât cette allégation d’Albert le Grand ni dans le traité De imaginatione sphæræ de Thâbit ben Kourrah, ni dans aucun des traités du même auteur dont on connaît des traductions latines. Mais nous savons par le témoignage de Maïmonide (Voir : Première partie, Ch. XI, § II, t. II, p. 119) que Thâbit avait, en effet, composé un ouvrage où se trouvait sans doute cette assertion.