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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


pierre et du briquet, par leur mutuel frottement, du feu se trouve engendré. »

Le fluide compressible qu’Albert met entre les orbes ressemble grandement au feu aëriforme qu’y place le Liber de elementis ; Albert, qui a longuement commenté cet ouvrage, s’en est fort souvent inspiré ; nous en trouverons tout à l’heure une preuve nouvelle et plus décisive.

En dépit de la séduction qu’exerçait sur sa raison le système d’Alpétragius, par la simplicité qu’il lui prêtait ; en dépit de son admiration pour Aristote, dont il veut croire les principes conciliables avec les excentriques et les épicycles, Albert a pris une position très ferme dans la querelle qui divisait Mathématiciens et Physiciens ; fort du témoignage de l’observation, il a condamné les sphères homocentriques, il a pris parti pour l’Astronomie de Ptolémée ; c’est, à ce moment, l’attitude que devait prendre le véritable savant.

Quelles furent les idées d’Albert le Grand sur le mouvement lent de la sphère des étoiles fixes et sur les sphères, dénuées d’astre, qu’on peut imaginer au-dessus de celle-là, il nous faudra de multiples lectures pour le savoir.

Ces idées ne s’expriment pas partout avec netteté. Parfois, d’un ouvrage à un autre, voire d’un chapitre à un autre, elles paraissent contradictoires. Il ne semble pas, d’ailleurs, que leur progrès en clarté -suive toujours l’ordre du temps. Nos citations d’Albert le Grand nous feront connaître de mieux en mieux sa pensée ; mais elles ne se rangeront pas selon la succession chronologique de ses écrits.

Les théologiens comme Guillaume d’Auvergne, certains astronomes, comme Michel Scot et Campanus, voulaient qu’il y eût, aux confins du Monde, un ciel immobile qu’ils nommaient, en général, l’Empyrée et, parfois, le ciel aqueux.

Albert le Grand, commentant le second livre des Sentences, examine[1] l’hypothèse de l’existence d’un ciel aqueux. Mais il n’en fait aucunement un dixième ciel immobile. Autorisé par un passage de Saint Jean Damascène, il affirme que ce ciel aqueux n’a pas été connu des seuls théologiens, mais encore des physiciens ; dès lors, il n’hésite pas à l’identifier avec le neuvième orbe auquel

  1. Scriptum secundum Alberti Magni super secundo Sententiarum. Dist. XIV : De opere secundæ diei quo factum est firmamentum, Art. II : Quæritur secundum quam proprietatem sunt aquæ super cælum vel firmamentum.