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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/374

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L’ASTRONOMIE DES DOMINICAINS

» Sont-elles de nature diaphane ?

» Enfin bornent-elles la vue ? »

« À la seconde question, dit notre auteur[1], nous répondrons qu’il y a, à cet égard, deux opinions.

» Certains ont nié les excentriques et les épicycles. De même aux autres sans aucun corps intermédiaire, de même, supposent-ils qu’en la région éthérée, toutes les sphères sont contiguës sans aucun corps intermédiaire.

» Mais cette supposition ne peut tenir : l’observation géométrique a reconnu, en effet, qu’une même planète se trouve tantôt plus haut [au-dessus de la Terre], et tantôt plus bas ; comme la planète n’a que le mouvement circulaire et point de mouvement des cercles et de l’hypothèse des épicycles.

» Aussi d’autres personnes disent-elles qu’il y a, entre les sphères ou orbes, un corps intermédiaire, dont la nature est génériquement la même que celle de ces sphères ou orbes ; les corps des planètes, assurent-elles, se meuvent au sein de ce corps intermédiaire, et c’est en lui que se produisent les élévations ou les dépressions de ces astres.

» Mais entre ces personnes se rencontre une diversité d’avis.

» Certaines disent que les planètes, en passant au travers de ce corps intermédiaire, ne le divisent pas ; le corps céleste, en effet, n’est pas divisible ; les astres le traversent sans aucune division, comme la lumière traverse l’air. Cela, disent-ils, convient aux corps célestes à cause de leur nature qui est celle d’une forme (propter formalitatem). Si on leur objecte que deux corps ne sauraient, par voie naturelle, être en même temps dans un même lieu, ils répondent que cela est vrai des corps inférieurs qui sont grossiers et chargés de matière corporelle, et que cela est vrai surtout des corps naturels[2].

» Mais cela est impossible ; cette nature formelle n’empêchc pas ces corps d’avoir de véritables dimensions, car celles-ci accompagnent tout corps ; or, de l’avis du Philosophe, des dimensions dh erses ne se souffrent pas les unes les autres un même lieu. Ce qui est dit de la lumière ne s’applique pas à ce qui est en ques-

  1. Ms. cit., fol. 70. coll. a et b.
  2. Certains néo-platoniciens remplissaient tout l’espace d’un corps, conçu à l’image de la χώρα dont parle le Timée, et dont les propriétés étaient exactement celles que Bernard prête ici au corps intermédiaire ; Syrianus, par exemple, a émis des idées qui conduiraient aisément à la théorie exposée par notre auteur. — Voir : Première partie, Ch. V, § XV, t. I, pp. 336-337.