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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/38

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L’INITIATION DES BARBARES

d’Inclusus ou de Solitarius, donne une nouvelle preuve de sa modestie en attribuant à un pseudonyme les écrits qu’il vient d’énumérer avec complaisance. Ce reclus de Ratisbonne souhaite de nous induire en erreur sur sa personne en nous disant qu’il est prêtre et écolâtre de l’église d’Autun ! Et c’est cet auteur [1], d’une humilité à la fois si grande et si compliquée, qui prend soin de se placer lui-même parmi les flambeaux de l’Église !

Un loyal et modeste aveu d’ignorance ne vaudrait-il pas mieux que de tels raisonnements ?

Résignons-nous donc à ignorer quel fut cet Honoré le Solitaire qui a rédigé le De imagine mundi ; retenons seulement comme probable l’attribution de ce traité soit à la fin du xie siècle, soit à la première moitié du xiie siècle.

Au début de son ouvrage, Honoré nous annonce [2] qu’« il n’y admet rien qui ne soit recommandé par la tradition de ses aînés ». Aussi le De imagine mundi, bien loin de refléter les idées du temps où il fut vraisemblablement composé, semble-t-il appartenir à une époque beaucoup plus ancienne ; Pline l’Ancien, Isidore de Séville, Bède le Vénérable sont les seuls auteurs dont il porte la marque ; on le pourrait croire écrit par un disciple immédiat de Bède.

Les étymologies hasardées et étranges dont Honoré aime à émailler sa Cosmographie manifestent clairement que l’auteur du De imagine mundi a subi l’influence d’Isidore de Séville, auquel il emprunte d’ailleurs, nous l’avons dit, la plus grande partie de sa Géographie.

« Au-dessus du firmament [3], sont des eaux qui demeurent suspendues en cet endroit à la manière de nuées ; on dit qu’elles embrassent toute la sphère du ciel, et c’est pourquoi on leur donne le nom de ciel aqueux. Au-dessus, existe le ciel spirituel inconnu aux hommes ; là, se trouve l’habitation des anges qui y sont distribués en neuf ordres. En ce ciel, se trouve le paradis des

  1. Lors même qu’on admettrait la thèse étrange de M. Endrès, il serait légitime de désigner l’auteur du De imagine mundi par le pseudonyme d’Honoré d’Autun qu’il a lui-même choisi. Cependant, M. C.-V. Langlois s’étonne (a) « au sujet de ce personnage, qu’on l’appelle encore trop souvent, en France, Honorius d’Autun » M. Langlois s’étonne-t-il d’entendre encore donner le nom de Molière à Jean-Baptiste Poquelin ?

    (a) C. V. Langlois, La connaissance de la Nature et du Monde au Moyen Âge, Pans, 1911, p. 51, en note.

  2. De imagine mundi ; ap. Opusc., Prologus — Ap. Patrol., Epistola Honorii ad Christianum, coll. 119-120.
  3. De imagine mundi lib. I. Ap. Opusc., Cap. XXVIII : De hydra. Ap. Patrol., Capp.CXXXVIII, CXXXIX, CXL ; col. 146.