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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/395

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

des sermons, et non point me poser des questions, surtout de celles qui ont trait à la recherche philosophique ; voilà bien longtemps que j’ai cessé d’en faire profession ; vous me forcez à tourner mes regards en arrière et à remettre la main à la charrue que j’avais abandonnée. Toutefois, je ne puis rien vous refuser, car je prête attention à l’ardeur de vos études et j’en désire la perfection ; j’ai donc, en conformité avec les principes de la recherche philosophique, satisfait à vos désirs (sauf meilleur et plus exact jugement, et sauf aussi ce qui doit être tenu pour certain, selon la Sainte Écriture et la vérité de la foi) sur tous les sujets, et dans toutes les questions que vous m’avez adressées ; ces sujets, cependant, sont difficiles, et c’est à peine si l’industrie humaine et le pouvoir de la Science y peuvent atteindre ».

Que faut-il penser touchant la nature des intelligences qui meuvent les corps célestes ? Telle est la question principale à laquelle se rattachent toutes celles que Thierry va examiner au cours des dix-neuf chapitres de son traité.

De cette question principale, nous ne dirons rien pour le moment ; ce que Thierry met en sa réponse, nous le retrouverons dans un prochain chapitre, où nous étudierons ce que le xiiie siècle et le xive siècle ont enseigné des célestes moteurs. Ce que le Dominicain saxon, afin de résoudre cette question, a dit des corps célestes et de leurs mouvements nous doit seul retenir ici.

Pour déterminer le nombre des intelligences diverses qui meuvent les cieux, il faut, tout d’abord, fixer le nombre des’ sphères célestes ; c’est à quoi Thierry consacre son troisième chapitre qu’il intitule : De numero intelligentiarum secundum philosophos et circa hoc considerando diversas causas motivas ex numero sperarum celestium. Ce chapitre prête à diverses remarques que nous développerons plus à l’aise lorsque nous en aurons donné la traduction[1] :

« Touchant le nombre des intelligences, nous trouvons des suppositions diverses chez les différents philosophes ; les uns, en effet, ont considéré ces causes motrices autrement que les autres.

» Avicenne, en sa Métaphysique, a compté neuf ou, plutôt, dix intelligences, selon les dix parties principales dont est composé ce monde matériel, savoir les neuf sphères célestes et la sphère que forme la région des éléments ; à chacune de ces sphères, il a préposé une intelligence.

  1. Ms. cit., fol. 56, coll. c et d ; fol. 57., col. a.